On est partis, fiston, mon amoureux et moi, en terre étrangère, pour le plaisir et pour être seuls, ensemble. Nous avons pris la route qui mène à Montréal, avons continué jusqu'à la frontière, bien décidés à la franchir pour rencontrer le peuple Canadiens-anglais. Il faut dire que je n'ai pas voyagé beaucoup dans ma vie. À peine effleuré les Rocheuses et l'île Victoria, New-York et ses environs, pas plus. Toute nouvelle patrie est apte à capter mon attention jusqu'à me faire dormir chez-elle. Arnprior, à une quarante de minutes d'Ottawa, seulement parce que mon hommve préfère la campagne, mais j'accepte, la campagne c'est romantique et puis ça ressemble à chez-moi, ces petits patlins tranquilles dans lesquelles il ne se passe jamais rien de bien grave. Mais ce n'est pas de ça dont je voulais vous parler.
Ottawa, c'est la première fois que je la voie. On marche quelques rues, pour la connaître. Une photo du parlement, comme preuve de visite, le sourire satisfait et bébé qui regarde ailleurs. Comme par hasard, la marche Amun se termine devant nous. Amun signifie Parler, en langue Innu. Un groupe de femmes ont marché de Wendake (Ville de Québec) jusqu'à Ottawa, devant le parlement pour dénoncer la situation des Premières Nations, plus particulièrement de la femme autochtone. 500 kilomètres à pied, pour faire honneur aux ancêtres qui ont si patiemment traversé le pays. 500 kilomètres, comme une certitude, une volonté, un espoir. Nous sommes garés au bon endroit pour les voir terminer leur long portage. La première, celle qui est à la tête du projet nous fait un sourire. Elle porte en elle la victoire de sa bataille, la beauté de sa patience et l'espoir rassembleur d'une femme qui n'a pas eu peur de croire que nous pouvions encore marcher, porter, traverser le pays.
Je les regarde passer, et il y a en moi cette fierté, si rare dans ces temps de misère. Je les regarde jusqu'au tout dernier marcheur, muette tandis que mon amoureux les encourage par des cris. Je voudrais les voir passer par centaines, par milliers. Je voudrais que la marche Amun dure jusqu'à l'autre extrémité du pays, et je voudrais surtout en faire partie.
Ce soir je me contente d'être fière de les avoir admirées, ces femmes qui ont osé croire que ce n'était pas impossible, que ce n'était pas en vain.
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