J’aimerais être la seule à penser ce que je vais dire tout haut. Mieux, j’aimerais me tromper et devoir faire des excuses, des demandes de pardon, me morfondre et être restreinte à me créer un nouveau blog sous un pseudonyme. Me la fermer à tout jamais avec mon pessimisme.
Hier, je discutais avec un prof dans la quarantaine. Un homme bien pensant, connaisseur, intrigué comme bien d’autres sur notre culture et nos manières de vivre. Pas idiot, mais idéaliste, comme bien d’autres aussi.
« Y a-t-il un moyen de conserver votre culture, tout en vous adaptant à la société. Ne pas construire des bulles. Être fiers de ce que vous êtes»
Il a parlé d’une faculté pour les autochtones à l’intérieur d’une université déjà existante, d’un scoutisme basé sur les connaissances des Premières Nations, d’une réécriture des légendes, d’une formation intensive de la langue écrite et parlée pour pouvoir aussi bien écrire en français qu’en Innu et être capable de parler un langage autre que celle de cuisine, comme il disait . Des idées, comme ça, que j’ai appuyées bien sûr. C’est pas fou. Je serais la première à inscrire fiston dans un programme de scout où il apprendrait à faire des feux à l’ancienne et à monter une tente traditionnelle avec des perches. Je voudrais qu’il existe des cours spécialisé sur ma langue qui m’apprendrait à nommer les jours de la semaine, les mois, les chiffres, les quelques milliers de termes français que je suis incapable de traduire en Innu.
Je n’ai pas pu m’empêcher de répondre tout de même :
« Tout ça c’est bien beau, mais c’est un rêve. De prétendre que la nation Innue est toujours aussi proche et fière de sa culture. Puis la culture, qu’est-ce que c’est? »
On a perdu beaucoup. Plus que ce que l’on veut admettre en tant que peuple. La langue s’affaiblit dans un continuel bilinguisme. Une phrase peut contenir autant de mots français que Innu. Les chasseurs sont peu nombreux, peu adeptes à la transmission. Les jeunes ne veulent plus courir les bois, la paresse a gagné le cœur des hommes ainsi que les crises dû à l’ingestion hebdomadaire de poutine et de Mcdo. L’esprit des gens à changer, s’est perdu, s’est défait petit à petit comme une écharpe de laine quand on tire sur le fil qui dépasse. La laine est devenue un petit tas qui ne se re-tricotera pas d’elle-même.
Vous savez? Je les comprends. Qui voudrait savoir harponner un saumon de nos jours? Le petit gars qui n’a ni canot, ni harpon, ni voiture pour se rendre à la rivière? On va lui demander, à lui, de passer ses jours à apprendre la technique de l’harponnage alors qu’il est incapable de subvenir aux besoins de sa famille et que la seule chose qui l’intéresse ces temps-ci, c’est le jeu en réseaux qu’il réussi si bien après avoir fumé un joint. Ou bien, pourquoi ne pas exiger de la jeune mère de ne parler qu’en Innu à ses quatre enfants, et de consulter son dictionnaire de la langue à toutes les fois où elle ne connaîtra pas la bonne traduction de vaisselle, plancher, piscine?
Peut-être que tout ceci n’est pas une question de culture, mais une question de société. La seule solution que l’on retrouve ces jours-ci face aux maux des réserves c’est le retour aux sources. Mais où sont-elles ces sources? Je ne les vois ni dans ma réserve, ni dans les autres. Je ne vois que la misère et des vieux qui meurent sans n’avoir jamais rien dit de leurs savoirs si précieux. La culture est un privilège pour les mieux nantis. Les autres, ils s'en foutent éperduemment.
Je vous avais prévenus, c’est pessimiste. Parfois, il faut être capable de regarder en face. Plus tard on rêvera.
merci de ces textes, Nao - revenu à mon poste de travail central, et désolé pour dernières semaines Qc, qui ont vraiment été très chargées – alors énergie à fond, et Kuessipen suis dans les soutes !
RépondreSupprimerkoékoé M'sieur Bon! Je me retrouve complète submergée dans la réalité Innu depuis mon nouveau poste comme recherchiste à la radio socam, d'où ces textes plus actuels, moins personnels. contente d'avoir de vos nouvelles et pour kuessipen, suis pas inquiète, il est entre bonnes mains! iame.
RépondreSupprimerLa culture, comme tout, change, se transforme au contact de l'autre..et la nôtre n'est pas plus différente des autres je crois...Certains, parmi nous, sauront la perpétuer car encore très présente dans leur quotidien.. mais, il est vrai que pour la majorité d'entre nous, culture voudra dire une "folklorisation" de ce que nous sommes...et hélas la "créolisation" de notre langue innue...
RépondreSupprimerA.
merci de commenter mon constat A. Et Pourtant j'ai confiance!
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