J’aime la poésie utile. Des mots qui riment, qui m’étonnent, qui s’acheminent tranquillement de ma pensée à mon esprit sensible. Des barrières qui s’effondrent et des phrases indépendantes qui servent des causes beaucoup trop grandes pour n’appartenir qu’aux autres. C’est le cas, lorsque j’écoute Samian (annishnabe et français), son ton rassembleur et sa fierté d’être ce qu’il est. Florent Vollant et son éternel battement de tambour qui rappelle les prouesses d’autrefois, l’immensité d’un pays et les déplacements incessants. J’aime tous les Fred Pellerin, Loco Lacass et Lynda Lemay, parce qu’ils ont choisi les paroles comme armes et ils possèdent en eux une inflexion qui s’appuie sur l’intolérance face à l’ignorance, pire, face à l’indifférence.
Et il y a la Sainte-Marie. Elle me fascine. C’est une femme rouge de la tête aux pieds, bien petite pour une âme de cette ampleur. Dans son dernier spectacle, elle prête la chaleur de sa voix aux innus. L’album Nitshisseniten e tshissenitamin (Je sais que tu sais) est une œuvre qu’elle a écrit avec son amie Bibitte (Joséphine Bacon). C'est de l’entendre prononcer si distinctement les mots et les rimes Innus, les syllabes qui glissent parfois dans la gorge et celles qui résonnent comme le bruit sourd du vent, comme la rivière épaisse qui file, un son creux, un souffle, une bouffée avalée aux accents de Pessamit. Parce que la langue n’est pas simple. Parce qu’elle se perd dans l’assimilation, dans la paresse et dans la modernité. Elle, la Chloé, se tient raide, droite jusqu'au premier accord de guitare. Puis, elle s’amenuise, souffre au-dedans d’elle la douleur des mal-aimés. Je comprends alors, que le mépris n’est pas une question d’ethnie et que la souffrance est quelque chose que l’on peut porter à plusieurs. Il aurait fallu danser, ce soir-là, lorsqu’elle a entonné le célèbre makusham du duo Kashtin, nous, les quelques Innus dans la salle et les Blancs aussi.
Quand aux artistes Innus, ils ont beaucoup de peine à se frayer un chemin dans l’industrie. Peut-être est-ce le folk-country qui ne convient plus, ou bien peut-être est-ce la langue incompréhensible? Peut-être devraient-ils adapter leur musique, à l’instar de Samian qui traduit ses textes en français? Peut-être devraient-ils tous déserter leur réserve pour habiter Montréal, la grande Métropole? Pour l’instant, il n’y a que la radio SOCAM (Société de communication Atikamekw Montagnais) qui les diffuse. Vous pouvez écouter la radio en ligne sur www.socam.net
Pour voir une interprétation de Chloé Sainte-Marie Mishapen Nitissinan, une chanson qui en dit long. Clip
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