La situation était historique. Plus d'une centaine d'Innus, issus des quatre coins de la Côte-Nord (serait juste de dire racoin), se sont assemblés à l'hôtel de Fermont pour revendiquer le droit de chasser le caribou en terre du Labrador. Depuis l'interdiction de la chasse au Labrador, car bien sûr l'instinction de l'espèce est un désastre, les Innus cherchent et rôdent en forêt en vain. Le troupeau qui passaient tous les ans sur nos terres, à quelques mètres de Shefferville, prend désormais un autre chemin. Il doit contourner les rivières immenses créées par les barrages. Il doit survivre à un trajet beaucoup plus long, alors que son nombre diminue d'année en année.
Les chasseurs étaient présents, comme ils le sont depuis toujours, de père en fils. Conscients du problème. Conscients de leur survie à eux aussi. Ensembles, ils ont franchit la frontière de la chasse interdite, ils ont installé leurs tentes sur la neige, près de la route. Les chefs se sont réunis le soir dans la plus grande des tentes. Ils ont parlé de choses passées, anciennes, traditionnelles aujourd'hui. Il y avait de très jeunes chasseurs, de très vieux coureurs et quelques femmes pour faire cuire le pain frais de tous les jours, comme une habitude. Ensembles, ils n'étaient plus des récalcitrants, des fouteurs de troubles. Ensembles, ils étaient les guerriers de la race, comme l'ont été nos pères, prêts à se battre pour leur familles. La chasse a été bonne. Plus de deux cent caribous tués, qui furent donnés aux familles dans les villages Innus. On donne toujours priorité aux vieux, ceux qui ont passé l'âge de courir les bois, puis aux femmes seules, et finalement à tous les autres. C'est ainsi qu'on distribue la viande, le saumon, et autres richesses dites naturelles.
Le chasseur est là, il raconte ces choses sans se presser. Il dit, comme une promesse: Nous l'avons là, imprimé dans le sang. Le caribou, nous irons le chercher où il sera.
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