C'est la pluie qui m'a réveillé ce matin là. Des milliers de gouttes d'eau se fracassant sur la toile bleue, imperméable. Il faisait gris, ça ne pouvait être la clarté du soleil. L'odeur des branches de sapin qui tapissent le sol. Des murs beiges, souples qui forment un parfait triangle au-dessus de la tête. La fraîcheur vite combattue par le feu dans le poêle posé sur quelques briques, par précaution. Fermer les yeux, même éveillée, pour ne rien perdre de la réalité, de ce maintenant. Respirer aussi fort que possible cet air tantôt chaud, tantôt froid. Le respirer d'aussi loin que le peuple se rappelle.
La tente, un abri de fortune, un héritage, le choix du nomade, le répit après une longue marche, le plus paisible des sommeil, une toile posée sur des baguettes de bois.
jeudi 13 janvier 2011
dimanche 26 décembre 2010
Bribes 2
Au début, c’est tout petit. Une idée furtive, un mot qui ne veut rien dire. Des images de soi qui paradent dans la tête, une signature comme un gribouillis. Seule, dans une bulle mise là exprès pour les écarts d’imaginaire. On se donne le premier rôle d’un scénario émotif et irrationnel. Les autres trouvent insensé, irréel, presque comique les parcelles qu’ils comprennent. Alors, on se tait, pour le cela qui est trop fragile à défendre. Pour cette chose sans nom, sans reconnaissance. Et dans le silence, dans le secret, tout doucement il grandit. C’est la naissance d’un rêve.
mercredi 15 décembre 2010
Bribe
Il arrive parfois que l’on s’enfarge, sans trop savoir comment. Un été chaud, de la moiteur et de l'ivresse. La réalité vient aussi brutale que des pleurs de bébé durant un rêve fantasmatique. Et sans trop savoir pourquoi, on se lève et on ne jure pas. On remplit un biberon et on prend le petit être pour le mettre sur son lit, jusqu’au lendemain, jusqu’à la dernière nuit.
vendredi 10 décembre 2010
Nordicité, avec Jean Désy
"Partir pour un nomade, ce n'est jamais fuir, c'est plutôt rester en quête. Partir, c'est faire en sorte que la quête se poursuive, inlassablement, en dehors du temps programmé"
Étrangement, en lisant son livre, j'ai appris beaucoup plus sur Jean Désy qu'en le rencontrant pour le programme de mentorat. Je savais qu'il était médecin, avait déjà pratiqué chez les Inuits. Qu'il était écrivain, poète. Qu'il enseignait à l'université, qu'il a quatre enfants. Mais j'ignorais qu'il avait traversé le Grand Nord en skidou, avec le froid intense et les cabanes éloignées. J'ignorais qu'il avait vu ces immenses glaciels qui nourrissent le courage des humains. Je ne savais pas qu'il était, lui aussi, un nomade.
"On voyage par nomadisme intrinsèque, quand il y a de l'espace à parcourir, quand il y a des silences à écouter, quand il y a un passant, un étranger, un Nord-Côtier, un Innu, un Inuit ou un montagnard qui accepte de partager son gibier, son fromage ou une tasse de thé."
On a partagé quelques cafés ensemble, dans ce bistro au nom imprononçable. L’endroit est étroit, les murs boisés, situé sur rue Cartier avec beaucoup de passants. Je n’ai pas choisi mon mentor, on me l’a assigné, comme une évidence. Chaque rencontre, un apprivoisement. Des discussions qui s'amalgament, avec un but tout de même, l'écriture d'un livre, le mien. Deux heures passent, je ne sais encore que très peu de lui. Personne ne se livre aussi facilement que dans un bouquin.
"La toundra demeure le symbole même de la nordicité extrême, du nomadisme et de la grande liberté. La toundra est une poème: elle nous appelle. Mais il faut accepter son cri. Car la toundra nous happe, nous englobe, elle nous prend et nous reprend, nous rend à nous-mêmes, nous fait poussière et molécule, parcelle d'air et de cosmos. Alors nous retournons à nos origines, nous baignons dedans."
Je ne visite pas souvent Nutshimit, la forêt du Nord, à cause de la distance, à cause de mes études, à cause des coûts, à cause de je ne sais plus. Mais, je sais qu'un jour, j'irai là où il est allé. Affronter le vent et sa morsure, regarder la lune se lever, dormir tôt et le matin partir. Lorsqu'il parle de ses voyages, j'ai des images d'infini qui me reviennent en mémoire, et moi qui suis fière, je veux gravir ces glaciels et regarder de haut les îles lointaines. Cette grandeur elle m'habite, un souvenir d'enfance. Cela fait trop longtemps déjà.
"Je ne suis qu'un autochtone qui a bâti sa cabane en attendant de décoller en canot."
Je sais qu'il aime nos modes de vie, nos manières, nos certitudes. Si l’autochtone est l'habitant de la terre, s'il l'a parcouru et admiré, s'il l'a combattu malgré les obstacles, malgré la bravade de la suprême nature, alors oui, il l'est.
Merci Jean
Tous les extraits sont tirés du livre L'esprit du Nord, étition XYZ, par Jean Désy
Étrangement, en lisant son livre, j'ai appris beaucoup plus sur Jean Désy qu'en le rencontrant pour le programme de mentorat. Je savais qu'il était médecin, avait déjà pratiqué chez les Inuits. Qu'il était écrivain, poète. Qu'il enseignait à l'université, qu'il a quatre enfants. Mais j'ignorais qu'il avait traversé le Grand Nord en skidou, avec le froid intense et les cabanes éloignées. J'ignorais qu'il avait vu ces immenses glaciels qui nourrissent le courage des humains. Je ne savais pas qu'il était, lui aussi, un nomade.
"On voyage par nomadisme intrinsèque, quand il y a de l'espace à parcourir, quand il y a des silences à écouter, quand il y a un passant, un étranger, un Nord-Côtier, un Innu, un Inuit ou un montagnard qui accepte de partager son gibier, son fromage ou une tasse de thé."
On a partagé quelques cafés ensemble, dans ce bistro au nom imprononçable. L’endroit est étroit, les murs boisés, situé sur rue Cartier avec beaucoup de passants. Je n’ai pas choisi mon mentor, on me l’a assigné, comme une évidence. Chaque rencontre, un apprivoisement. Des discussions qui s'amalgament, avec un but tout de même, l'écriture d'un livre, le mien. Deux heures passent, je ne sais encore que très peu de lui. Personne ne se livre aussi facilement que dans un bouquin.
"La toundra demeure le symbole même de la nordicité extrême, du nomadisme et de la grande liberté. La toundra est une poème: elle nous appelle. Mais il faut accepter son cri. Car la toundra nous happe, nous englobe, elle nous prend et nous reprend, nous rend à nous-mêmes, nous fait poussière et molécule, parcelle d'air et de cosmos. Alors nous retournons à nos origines, nous baignons dedans."
Je ne visite pas souvent Nutshimit, la forêt du Nord, à cause de la distance, à cause de mes études, à cause des coûts, à cause de je ne sais plus. Mais, je sais qu'un jour, j'irai là où il est allé. Affronter le vent et sa morsure, regarder la lune se lever, dormir tôt et le matin partir. Lorsqu'il parle de ses voyages, j'ai des images d'infini qui me reviennent en mémoire, et moi qui suis fière, je veux gravir ces glaciels et regarder de haut les îles lointaines. Cette grandeur elle m'habite, un souvenir d'enfance. Cela fait trop longtemps déjà.
"Je ne suis qu'un autochtone qui a bâti sa cabane en attendant de décoller en canot."
Je sais qu'il aime nos modes de vie, nos manières, nos certitudes. Si l’autochtone est l'habitant de la terre, s'il l'a parcouru et admiré, s'il l'a combattu malgré les obstacles, malgré la bravade de la suprême nature, alors oui, il l'est.
Merci Jean
Tous les extraits sont tirés du livre L'esprit du Nord, étition XYZ, par Jean Désy
lundi 29 novembre 2010
Nekuess
Je ne parle pas de lui très souvent, sinon en parallèle, sinon en marge. Le petit être qui partage ma vie, la façonne, et bien souvent, l'oriente. C'est parce qu'il ne parle pas beaucoup, mis à part lorsqu'il veut un autre biscuit, ou alors lorsqu'il crie maman en pleine nuit. Il est petit, insensé dans ses manières; il dit des mots inintelligibles, me regarde avec insistance; il pense que je sais ce qu'il sait, si adorable lorsqu'il me pousse adroitement de ses de petits bras vers le but convoité.
Il est là, le matin, le jour, le soir, la nuit. Cette petite personne à qui bien malencontreusement j'ai donné la vie. Sans le vouloir, mais sans pouvoir la lui reprendre. Il est né chauve, avec la peau foncé, des rides qui apparaissaient sur son front dans ses élans de larmes et avec de minuscules mains qu'on embrasse sans savoir pourquoi. Muashkuss, mon petit ours.
Il est là le matin, engouffrant un bol de céréales alors que je bois tranquillement un café en parfaite étudiante. Il est là le jour avec les dix milles voitures qu'il éparpille pour mieux que je nettoie. Il est là le soir, dans ma solitude de mère, dans mes angoisses de ne pas être à la hauteur; il est là qui m'observe et me sourie, mon fiston. Il est ma poésie, si poésie est synonyme d'espérance, de beauté et de larmes versée.
Un petit homme, haut comme trois pied, qui partage ma vie, lui donne vie, la rend belle. Je souhaite qu'il tombera amoureux, j'espère qu'il rêvera plus haut que les étoiles le permettent, je veux qu'il croit, bien au-delà des règles bétons de la société, que la beauté est celle que le coeur imagine. Un rêveur, un penseur, ne idéaliste. Pauvre petit lui.
Je t'aime fils
Il est là, le matin, le jour, le soir, la nuit. Cette petite personne à qui bien malencontreusement j'ai donné la vie. Sans le vouloir, mais sans pouvoir la lui reprendre. Il est né chauve, avec la peau foncé, des rides qui apparaissaient sur son front dans ses élans de larmes et avec de minuscules mains qu'on embrasse sans savoir pourquoi. Muashkuss, mon petit ours.
Il est là le matin, engouffrant un bol de céréales alors que je bois tranquillement un café en parfaite étudiante. Il est là le jour avec les dix milles voitures qu'il éparpille pour mieux que je nettoie. Il est là le soir, dans ma solitude de mère, dans mes angoisses de ne pas être à la hauteur; il est là qui m'observe et me sourie, mon fiston. Il est ma poésie, si poésie est synonyme d'espérance, de beauté et de larmes versée.
Un petit homme, haut comme trois pied, qui partage ma vie, lui donne vie, la rend belle. Je souhaite qu'il tombera amoureux, j'espère qu'il rêvera plus haut que les étoiles le permettent, je veux qu'il croit, bien au-delà des règles bétons de la société, que la beauté est celle que le coeur imagine. Un rêveur, un penseur, ne idéaliste. Pauvre petit lui.
Je t'aime fils
jeudi 25 novembre 2010
Innu aimun- la langue innue
La langue est le pari risqué d'un peuple. Si elle survit, le peuple survit. Et si elle se noie dans le pluralisme d'une société nouvelle, le peuple se noie aussi. Oubliant la nécessité d'appartenir à ce qui leur est ancien, imprégné sur le sol des chemins parcourus. Je possède deux langues, le français et l'innu, mais seulement l'une d'elles est mienne. Parce que ma grand-mère saura que je parle d'elle si je dis Nukum. Parce que mon fils comprend que Nekuess c'est aussi son nom. Parce que l'amour profond que je porte à ceux qui me sont chers se traduit par un tshe shuenemeten.
Le risque dans le pari, c'est le libre arbitre. Une professeur plutôt drastique de l'histoire de la langue française nous disait qu'il suffisait de trois générations pour éteindre une langue chez une famille immigrante. Les grands-parents sont unilingues espagnol, les parents sont bilingues espagnol et français, les enfants ne parlent que le français. Je ne suis pas immigrante, mais je vis dans une ville où personne ne parle ma langue. Ce combat, je le mène moi aussi, et d'autres avec moi, pour que jamais nos enfants ne soient la dernière génération.
Je veux qu'il apprenne à dire Neka, maman, lorsqu'il aura quelque chose de très important à me demander. Je veux cette proximité, presque le secret, qu'apporteront nos conversations en innu dans les lieux publics. Je veux qu'il comprenne ses petits-cousins de Uashat, et qu'il se sente appartenir à ce peuple de nomades qui ont toujours su nommer la moindre petite chose qui vivait, qui poussait sur le sol.
Le risque dans le pari, c'est le libre arbitre. Une professeur plutôt drastique de l'histoire de la langue française nous disait qu'il suffisait de trois générations pour éteindre une langue chez une famille immigrante. Les grands-parents sont unilingues espagnol, les parents sont bilingues espagnol et français, les enfants ne parlent que le français. Je ne suis pas immigrante, mais je vis dans une ville où personne ne parle ma langue. Ce combat, je le mène moi aussi, et d'autres avec moi, pour que jamais nos enfants ne soient la dernière génération.
Je veux qu'il apprenne à dire Neka, maman, lorsqu'il aura quelque chose de très important à me demander. Je veux cette proximité, presque le secret, qu'apporteront nos conversations en innu dans les lieux publics. Je veux qu'il comprenne ses petits-cousins de Uashat, et qu'il se sente appartenir à ce peuple de nomades qui ont toujours su nommer la moindre petite chose qui vivait, qui poussait sur le sol.
vendredi 19 novembre 2010
Rendre à César
J'écris ceci, sans vouloir être flatteuse, mais parce que je crois que rien n'arrive dans le hasard.
Il y a un peu plus d'un an, j'ai choisi de suivre un cours de création littéraire de M. François Bon. Mes choix de cours, je les ai toujours fait sans beaucoup d'appréhension, alors ce Bon dans le nom du professeur, ne m'apparaissait ni étranger, ni prometteur. La première fois que j'ai rencontré ce vieux Français à l'accent bien intégré, j'ai bien cru ne jamais rien comprendre de ce qu'il disait et de ce qui semblait si impératif que l'on comprenne. Dans sa gestuelle, dans ses mots, il était plus qu'expressif. Il était implosif de cette passion que l'on contient qui jaillit bien au-delà du désir. C'est ainsi qu'il était, en parlant de Simon, de Duras et surtout de Perec. Lorsqu'il lisait, il tapait le tempo avec le pied. Les textes que nous écrivions avaient tellement plus de rythme, de sens, lorsque c'était lui qui les lisait. Nous avions l'impression d'être écrivains.
J'écris depuis mon enfance. J'ai écrit un journal, des lettres sans correspondance, des textes courts, mes états d'âmes. J'écrivais parce que j'aimais être face à moi-même, parce que j'aimais les belles tournures de phrases. Mais jamais, je n'avais pensé, avant cette rencontre avec François Bon, que tout cela avait du sens, un quelconque intérêt.
Il a aimé, je suppose, les thèmes que j'abordais. Touché d'entendre lire un autre peuple que le sien. Il a cru que ce que j'avais à dire avait une importance, une portée. Pour ma part, il a saisi, bien au-delà des mots, l'émotion abstraite de vouloir exister, de ne jamais être cloisonnée, de faire partie, mais d'être soi. J'ai aimé lorsqu'il disait en critiquant mes textes: ça on s'en fout. Plus encore: il faut oser dire que personne n'a vu Paris.
Je crois que l'on ne naît pas ni ne devient écrivain. Je crois que ce sont les autres qui font de nous des écrivains.
Merci M. François Bon
Il y a un peu plus d'un an, j'ai choisi de suivre un cours de création littéraire de M. François Bon. Mes choix de cours, je les ai toujours fait sans beaucoup d'appréhension, alors ce Bon dans le nom du professeur, ne m'apparaissait ni étranger, ni prometteur. La première fois que j'ai rencontré ce vieux Français à l'accent bien intégré, j'ai bien cru ne jamais rien comprendre de ce qu'il disait et de ce qui semblait si impératif que l'on comprenne. Dans sa gestuelle, dans ses mots, il était plus qu'expressif. Il était implosif de cette passion que l'on contient qui jaillit bien au-delà du désir. C'est ainsi qu'il était, en parlant de Simon, de Duras et surtout de Perec. Lorsqu'il lisait, il tapait le tempo avec le pied. Les textes que nous écrivions avaient tellement plus de rythme, de sens, lorsque c'était lui qui les lisait. Nous avions l'impression d'être écrivains.
J'écris depuis mon enfance. J'ai écrit un journal, des lettres sans correspondance, des textes courts, mes états d'âmes. J'écrivais parce que j'aimais être face à moi-même, parce que j'aimais les belles tournures de phrases. Mais jamais, je n'avais pensé, avant cette rencontre avec François Bon, que tout cela avait du sens, un quelconque intérêt.
Il a aimé, je suppose, les thèmes que j'abordais. Touché d'entendre lire un autre peuple que le sien. Il a cru que ce que j'avais à dire avait une importance, une portée. Pour ma part, il a saisi, bien au-delà des mots, l'émotion abstraite de vouloir exister, de ne jamais être cloisonnée, de faire partie, mais d'être soi. J'ai aimé lorsqu'il disait en critiquant mes textes: ça on s'en fout. Plus encore: il faut oser dire que personne n'a vu Paris.
Je crois que l'on ne naît pas ni ne devient écrivain. Je crois que ce sont les autres qui font de nous des écrivains.
Merci M. François Bon
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