Tout récemment, mon livre Kuessipen qui signifie "À mon tour" en Innu, a été publié sur publie.net. C'était un évènement! Dans ma toute petite existence de mère et d'étudiante, j'ai eu l'impression d'être quelqu'un.
Ce dont je parle. Mon peuple les Innus, longuement appelé Montagnais mais qui depuis peu se sont réappropriés leur propre nom jusque dans les livres d'Histoire. Ma réserve, mon village, Uashat qui signifie là où la terre se courbe, une baie. Ma famille, ceux qui me sont chers, ceux que je connais, ceux qui m'ont appris les choses que je sais de la vie. Mon garçonnet, mon espoir, mon rire, ma persévérance. Je parle de lieux qui existent, je parle de choses qui ont lieu. J'ai voulu être honnête, même si la réalité parfois nous écrase dans nos idéaux et nos rêves de devenir fort.
Ce dont je ne parle pas, c'est ma peur solidement ancrée dans chacun de mes mots de ne pas être vraie. De décrire une réserve que même ses habitants ne sauraient reconnaître. De mentir sur notre nature si longtemps dénaturés par d'autres. Je ne parle pas de ce que je n'ai pas vu ou entendu. Certainement, je courbe les phrases, comme la terre se courbe lorsque l'eau va à sa rencontre. Certainement, je ne dis pas tout. J'ai voulu partager le fardeau bien lourd de mon peuple. J'ai voulu que les autres saches la souffrance, pour la compassion que cela apporte, la compréhension au lieu de la pitié qui ne nourrit personne et dont personne n'en sort grandi.
Je me disais, entre deux lavages, comme il serait plaisant que les gens parlent de mon livre. Qu'ils le critiquent, comme si j'étais écrivaine. Je rêvassais pour continuer d'être quelqu'un dans mon petit 4 et demi, tout juste grand pour mon imaginaire. Puis, il y a eu une madame cjeanney sur Pages à pages qui a publié un texte magnifique qui rend le mien plus persuasif. Je lui en suis très reconnaissante.
Il y a eu confirmation de la pertinence. Mais comment le décrire sans l'écrire, cette émotion que j'ai ressenti en faisant la lecture d'un de mes textes à ma mère et à sa soeur en pleine matinée, en buvant du café. Je leur lisais deux paragraphes que j'avais écrit pour ma grand-mère, leur mère. Mes souvenirs à moi, une femme qui avait donné la vie à dix-neuf enfants, qui nous nourrissaient à chaque visite. Dans la simplicité qu'elle était, dans cette fermeté dont elle accomplissait toute sa besogne du jour. Dans ses imperfections et dans sa beauté. Ma mère et ma tante ont pleuré, comme on pleure sur une morte qui nous manque. C'était elle, bien vivante dans les quelques mots que j'avais écrits. Et c'est pour elles, pour ceux qui se souviennent que j'écris, aussi. Tenter de laisser une marque plus ou moins tangible sur la longue humanité. Pour elles, et pour eux, qui restent fiers même dans la souffrance, fier d'appartenir. L'espoir de voir renaître la fierté de mon peuple. Bien au-delà des mots, il y a nous.
Mon livre sur www.publie.net http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503793/kuessipen
La critique sur Pages à pages http://pagesapages.wordpress.com/2010/11/11/kuessipen-de-naomi-fontaine/
en plus bref et moins pertinent que l'amie Christine Jeanney http://brigetoun.blogspot.com/2010/11/mes-dernieres-lectures-pour-mon-plaisir.html vers la fin
RépondreSupprimer(et merci pour votre livre)
"pour elles", c'est très beau, et on les reconnait, je crois.
RépondreSupprimerNiaut ! :-)