mercredi 25 juin 2014

Le filet


Au crépuscule, des pick-up passent lentement sur la petite route de sable qui mène à l'embouchure de la rivière. Ils sont deux par voiture. Ils arrêtent un peu avant la pointe. L'un porte une brique, l'autre un bac gris. Une heure avant la marée haute, ils installent au large un filet de cent pieds. Sur la rive de cette immense rivière, ils attendront jusqu'à l'aube, que le saumon manifeste sa présence par des battements de queue agitées. 

On est assis sur un énorme tronc d'arbre sec. Lui est arrivé depuis quelques heures. Moi je trimbale une caisse de bières. C'est le fait d'être tout près de lui qui me charme, puis le calme, les petites vagues qui roulent à quelques mètres de nos pieds, la nuit noire, sa façon de regarder l'horizon et ses réponses à mes questions sur la légalité des filets. Depuis le début de la saison, il me dit que tous les soirs il est venu à cet endroit. Que les matins il était en canot plus haut sur la rivière, pêchant à la canne. Pour deux saumons. Il me dit que c'est plutôt difficile cet été. L'an passé, en une soirée, il en avait pêché cinq. Je l'ai rarement vu aussi détendu. Je sens qu'il est heureux. Il prend ma main. M'embrasse sur le cou. Je ferme les yeux. Je sens tout à coup que des mots stupides veulent sortir de ma bouche. On est assis, à ne rien faire qu'attendre. Je lui en veux un peu de ne pas m'avoir amenée ici plus tôt. 

Je repars comme je suis venue, seule. Il restera encore une heure ou deux, surveillera son filet. Il ira dormir dans son chalet. Et demain, il recommencera. La saison du saumon tire à sa fin.




jeudi 19 juin 2014

Pour vous, mes élèves

J’aimerais vous souhaiter la réussite. Mais je ne vois pas la réussite comme un objectif. La vie est faite de petites, de millions de réussites. Arriver à l’heure, passer une dictée, augmenter une moyenne. Amener son enfant à la piscine, rester à la maison un vendredi soir, arrêter de fumer une journée de plus. Je ne crois pas en la réussite, je crois aux efforts, au travail. Et puis les échecs nous apprennent nos faiblesses, ils nous apprennent l’humilité.  

Alors, quoi vous souhaiter? Je ne peux pas non plus vous souhaiter l’amour. L’amour est un geste, un mot, un sourire. Il nous vient de quelqu’un d’autre. Il suffit de capter l’amour lorsqu’il passe. Une femme que j’admire m’a dit qu’il fallait prendre l’amour comme on nous le donne. Puis l’amour commence par soi. Se savoir important, unique. Pas parfait, mais être soi-même et être bien.

Je pourrais vous souhaiter d’être heureux. Mais une fois de plus, ça ne voudrait pas dire grand-chose. Je ne connais pas une personne qui ne pleure pas lorsque le malheur lui tombe dessus. Le bonheur ne devrait pas être une complaisance en la vie, comme on se l’imagine souvent, mais plutôt une foi en la vie, en ce qu’elle nous réserve. La vie, mes amis, est souvent injuste. Alors, il faut se battre et croire en elle plus que jamais.


La seule chose que je vous souhaite, de tout mon cœur, c’est de rêver. De rêver de choses extravagantes, de choses incroyables. De l’impossible. Seuls, dans votre tête. De rêver de faire partie de la NHL, de devenir premier ministre, d’assister aux Oscars. De rêver de vivre, de bâtir une maison, de tomber amoureux, de devenir papa. De continuer à rêver, même devenus vieux. Le chemin vers la réussite, vers l’amour et le bonheur, commence par le rêve. N’oubliez jamais que le monde est plus vaste que ce que l’on peut imaginer. Ne cessez jamais de rêver. 

Votre enseignante, Naomi

vendredi 6 juin 2014

Pleurer dans ma tête

La proximité dans une réserve crée une opacité entre les gens. Vous ne pouvez être que vous-mêmes, que lorsque vous agissez comme les autres. Sinon, vous êtes soit faible, soit mauvaise.  Peu de gens le comprennent.

J'ai la larme facile, ces jours-ci.
Je ne pleure pas mais c'est comme si.
Je ne pleure pas, parce que je fabule.
Je suis écrivain, mon monde je peux le créer, comme je l'entends, avec des fins heureuses et des rencontres joyeuses.

Ce soir j'ai pleuré, et cet aveux en est un de culpabilité.

Je ne pleurais pas avant.

J'ai pleuré sur moi-même ou sur cette façade que j'essaie si fortement de garder solide.

J'aimerais arrêter de pleurer, seulement quelques secondes, seulement pleurer dans ma tête,
Je voudrais ne plus être celle qui est moi, je voudrais être insignifiante,
Et que les gens autour, parlent autour, sans moi

La réserve n'est pas un lieu