mercredi 22 mai 2013

Parler de ça

Pour Bochra, ma grande amie. Nous avons eu cette discussion, dans un métro, entre Châtelet et la tour Eiffel. Nous nous étions retrouvées à l'autre bout du monde, toi en stage en Belgique, moi étonnante voyageuse au festival de St-Malo. Tu m'as parlé de ton pays. Je t'ai avoué que je ne savais rien de ces affrontements, tout là-bas, en Afrique. La Tunisie, un pays dont je ne pouvais pas citer la capitale, ni la langue, ni les coutumes, avant de te connaître. En marchant pour rejoindre la tour, dans ce froid inoffensif de fin mai, nos ardeurs se réchauffaient. Nous parlions de Démocratie. Celle qui se traduit par la liberté des uns qui toujours tient compte de celle des autres. Cet idéal. Ce but partagé. La belle démocratie, celle dont je me flatterai toujours de croire qu’elle existait chez mes ancêtres. Tu m’as dit que la Tunisie vivait le drame, depuis qu’ils avaient aboli la dictature. Le tyran qui commandait, depuis des siècles, mis à genoux devant le peuple. Tu m’as dit que depuis, c’est le chaos. Que les gens, dans les rues, meurent sans raison aucune. Que la loi ce sont les petits gangsters qui ne connaissent plus la peur. Et j’ai compris. La dictature, pour toi, valait mieux que cette démocratie crasse, qui tue des innocents sous faute de revendiquer leur pain. Mais je me suis mis à contrepartie. Défendant témérairement ce que je défendrai toute ma vie, la liberté. Partout, mon amie, d’honnêtes hommes sont morts pour cette liberté. Partout, il y a eu le chaos, après les rois morts et les reines esclaves. Les choses prennent du temps à changer. Elles sont comme les hommes, aussi puérils et grossiers quand il s’agit de force et de pouvoir. Je suis heureuse pour ton pays, tout de même, dans toute mon ignorance, de savoir que désormais, de jeunes Tunisiens auront le droit, dans leur langue, d’exprimer toute la profondeur de leur pensée. Tout comme toi, dans ton pays, ici au Québec. Peut-être pas maintenant. Mais un jour, cette liberté de parole, ils la posséderont, à cause de ceux-là, qui l’auront désordonnément exigée.

4 commentaires:

  1. Ce temps viendra... L'homme ne peut être un loup pour l'homme indéfiniment. Le chao vient de ses entrailles. Comme une pourriture qui le ronge. Il a oublié que l'avoir est le seul obstacle à son bonheur. La notion de possession en elle-même enlèvera toujours aux autres ce qui n'appatient à personne. Ce que le partage ferait fleurir à l'infini...

    -L.-

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  2. Mon coeur a battu vite à la lecture de tes quelques vers, face à nos compréhensions différentes malgré l'amitié, tous ces rires partagés. Je réponds, sans extravagance, par la seule beauté des mots, la sincérité de ma pensée, du haut de mes vingt-deux, qui ne sentent ni la douleur ni l'Expérience.
    Il y a de cette liberté, si belle, qu'on peut vivre intérieurement, sans revendication lorsque notre corps, notre coeur et notre esprit s'allie en cet alliage léger, une sorte de mariage heureux. Je suis libre. Et pourtant, si contrainte de l'extérieur. Si tu savais. Marionnette. Que m'importe.
    Il y a cette autre liberté qu'on revendique en communauté, des slogans qu'on scande, des chants, pour le plaisir de la société, pour satisfaire les yeux de l'Occident. Elle fait les livres, elle fait aussi le sang et les pleurs. Ce qu'on appelle l'Histoire, je présume.
    Je t'ai signifié cette sorte de nostalgie, celle des temps perdus, comme pour me consoler. Pour te dire aussi que mon esprit est calculateur, qui l'emporte sur le coeur, lorsqu'il compare les deux régimes pour en tirer les conclusions qui alimentent mon opinion. La nostalgie ne nous rabat que rarement sur le mal. Elle me fait voir la beauté d'un temps déchu, passé. C'est ce sentiment qui nourrit ma position vis-à-vis des centaines d'innocents qui partent au nom de la liberté. La Tunisie se meurt. Pour calmer la peine de ces pertes, je fais l'éloge d'un dictateur... qu'on doit apprendre à connaitre, d'abord.
    De parler de politique ouvertement suffit-il à l'épanouissement de l'individu? La censure est-elle réellement la censure de l'âme? Vraiment? J'ai trouvé l'écriture, ou l'écriture m'a trouvée. Une écriture sans politique, la tienne aussi et pourtant si libératrice. Tu es libre. Tu l'aurais été il y a quelques années sur la terre de mes ancêtres.
    Le débat dépasse la simple liberté d'expression. Il ne suffit pas de revendiquer. Encore faut-il savoir s'écouter, être disposé à apprendre la démocratie, avoir qui nous écoute, des compétents... la liste est trop longue, comme infinie.
    Entre Châtelet et Eiffel, tu m'as découverte au détour de quelques paroles. Aujourd'hui, de l'épistolaire. J'aurai aimé t'écrire de ces textes courts, mais j'ai tellement à te dire.

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  3. C'est beau de te lire Naomi. Je viens de te découvrir sur Radio-Canada et je trouve rafraichissant ton regard plein d'espoir.

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