mardi 9 avril 2013

Celles qui prennent soin de trésors

Elles sont là. On entend rarement parler d’elles. Mis à part quand elles revendiquent des droits et qu’elles manifestent sur les places publiques. Pourtant, on les croise chaque matin, et le soir aussi. La mienne, s’appelle Manon. Et fiston, il parle souvent de Manon, depuis qu’il a apprit à enligner ces deux syllabes parfaitement. Il me dit, chez Manon on fait ceci, ou on est allé dehors, glisser. Des trucs simples, sans trop de détails, même si depuis deux ans, Manon fait littéralement partie de sa vie. Elle est éducatrice en milieu familial. Et je suis étudiante. Au départ, je me souviens très bien, mon cœur mourrait lorsque j’amenais bébé chez Manon, pour les crises de larmes qu’il faisait. Je me disais que je n’avais pas le choix. Ça ne m’empêchait pas de chercher à me justifier dans mon intérieur. Coupable de choisir les études, de ne pas bercer bébé la longue journée. Par chance, Manon s’est occupé de mon trésor. En après-midi, je revenais et je savais qu’il avait bien mangé, bien dormi, qu’il avait joué avec des amis, qu’il était sorti faire rouler des camions sur le gazon, qu’il était en sécurité. Ça m’apaisait. Et maintenant, lorsque j’arrive chez Manon, je la salue. J’habille fiston, je lui mets sa tuque, je lui dis qu’il est trop mignon. Il enfile ses bottes et nous partons. Toujours, je dis Merci Manon. Parfois, elle me fait un sourire. Parfois, elle ne m’entend pas, occupée à répondre à un enfant. J’espère seulement qu’elle sait. Peut-être, je ne lui dis pas assez souvent, comment elle est importante pour fiston et pour moi. Son milieu de garde dans lequel mon fils a grandit, dans lequel il se sent bien. Et cette affection qu’elle lui porte, à cet être qui est ce que j’ai de plus précieux, me remplit toujours de gratitude. Parce que dans tout ça, elle m'aide à accomplir ma vie. Merci Manon.

mercredi 3 avril 2013

Et puis...l'enseignement dans tout ça

Première journée de mon premier cours de ma première journée en tant que stagiaire. Les élèves me toisent du regard. Ils m'examinent. Je les prends en flagrants délits. Mes yeux qui scrutent chaque mouvement de la classe. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que suis exactement où j'ai choisi d'être il y a quatre ans. Je voulais être journaliste. Voir ma face d'indienne à la télé, réciter des phrases apprises par coeur, sans trop d'intonation, juste ce qu'il faut pour que la nouvelle amortisse bien à l'autre bout. Je voulais être maquillée et être coiffée chaque matin. Mettre ces belles vestes. Je voulais être l'une de ces femmes qui paraissent peut-être un peu ronde à la télé, mais qui en réalité, quand on les croise, sont parfaites. Mais j'ai eu un petit bébé, tout mignon, qui sentait bon à longueur de journée, qui pleurait peu comme pour que je m'attache plus à lui, qui était tout brun, avec sa petite face d'indien ravageur que toutes les présentatrices de nouvelles aussi incroyablement belles soient-elles n'auraient pu le rivaliser. J'ai choisi l'enseignement. Et longtemps j'ai accusé fiston. Parce que l'enseignement a des bons côtés lorsqu'on est maman. Les mêmes congés, deux mois de vacances payés, des journées qui se terminent à heures prévues, moins de pression côté rendement. Je savais que fiston ferait éternellement parti de ma vie, alors autant organiser ma vie en fonction de fiston. C'était mon sous-choix. L'enseignement. Je voyais cela comme une rétribution, un don de soi. Ça m'apparaissait évident, facile, puis le contact humain m'avait toujours fascinée. Trois ans et deux semaines plus tard, j'enseigne à des adolescents les bases de l'argumentation. Je choisis un sujet. Je me l'approprie. Je leur parle du sujet. Ils se l'approprient. Je comprends que rien n'est simple. Alors nous argumentons, nous cherchons ni une solution, ni une réponse juste, nous parlons de ce que nous comprenons. Je les écoute. Ils m'écoutent. Brusquement je réalise qu'ils me font confiance. Que je suis cette personne de qui la vérité inconditionnellement devrait émerger. Je constate le poids de ma petite personne d'enseignante. Je dis oui ou je dis non. Ils notent. Ils constatent. Ils deviennent à l’affût de tout. Dotés d'une intelligence dont on ne les croirait pas possible. Leur acharnement me satisfait au point tel que j'apprécie chacun de leurs commentaires, qu’ils soient constructifs ou désordonnés. Ça me plait. J’aime être là. Même si je sais que quelques uns me haïront, que certaines me feront tout simplement pleurer. C’était mon choix second. Et puisque là il faut parler franchement, fiston a sans doute été la plus belle bifurcation de ma vie, puisque je sais que je suis là exactement où je dois être.