lundi 28 janvier 2013

Ce sont eux

Comme bien d'autres, j'ai regardé avec intérêt le passage de Michèle Audette et Roméo Saganash à l'émission de Tout le monde en parle, hier. Ça m'épatait que ces deux leaders politiques aient une tribune aussi forte. Mieux, je me sentais du coup un peu plus proche de Guy A. Lepage pour lequel, je l'avoue, j'ai toujours eu un sentiment admiratif. C'était...C'était plutôt déprimant, en fait. Une suite de lieux communs, la violence dans les réserves, la loi sur les Indiens qui stipule que tout membre des Premières Nations ne sera jamais considéré majeur, des statistiques de pauvreté, l'isolement de certaines communautés. Ça m'a fait mal au coeur, brusquement de faire partie de ma nation. Être ainsi décrit et refuser de s'y reconnaître. L'Histoire, je la connais, et j'oser avancer que la majorité des Québécois la connaissent. Les pensionnats, les abus, la peur, le mépris, je ne nie rien. Et puis maintenant, et puis après. Si objectivement on regarde les dix, vingt dernières années, est-il possible que le consensus fade selon lequel les Premières Nations n'ont que la misère en partage puisse évoluer? J'aurais aimé que nos leaders parlent de nous. De ces jeunes adultes qui chaque année sont de plus en plus nombreux à obtenir des diplômes dans tous les domaines professionnels: avocat, enseignant, éducateur spécialisé, policier, pompier, infirmière, sexologue, médecin,psychoéducateur. J'aurais aimé qu'ils parlent des artistes, de Réal Leblanc, cinéaste Innu, et du succès de ses courts métrages. Ou de Natasha Kanapé F., de sa poésie, de ses mots chargés de passion. De Kim Picard, une designer qui s'inspire des symboles anciens pour créer de la modernité. De ces auteurs-compositeurs-interprètes de plus en plus nombreux à chanter la langue, le passé mais surtout l'avenir, et l'amour, et l'enfance, et la vie. J'aurais aimé qu'ils parlent de nos grands-mères, de cette grandeur qu'elles nous ont léguée. De ces jeunes, de ces vieux qui ont marché pacifiquement et dansé sous la bannière d'Idle no more, pour faire entendre leur voix, pour donner un visage à un peuple réservé. Mais Lothaire Bluteau nous avait prévenus, les médias veulent du sensationnalisme, ils se foutent des choses tendres. Entrevue TLMEP de Roméo Saganash et Michèle Audette

mardi 22 janvier 2013

La non-guerre

Une vingtaine de personnes en plein coeur du centre-ville. Il y a des vieux costumés, des jeunes avec des affiches blanches aux lettres rouges Idle No More, des militants avec des drapeaux de la crise d'Oka, des visages que je connais. Et y a moi, avec fiston qui observe la patinoire, envieux. Ce n'est pas un combat pour le territoire. Ce n'est pas une revendication politique. Ce n'est pas pour ça que je marche avec eux, aujourd'hui, que je danserai demain. C'est autre chose. Une centaine de personnes se suivent. On a bloqué la rue quelques minutes. Jusqu'au parlement. Je dis à ma soeur: C'est bien qu'il y ait des Blancs avec nous. Devant le parlement, une femme fait un discours. Elle parle de silence. Elle dit de prendre la parole. Elle dit comme ces affiches, que désormais la passivité c'est assez. Je sais pourquoi je suis là. Je sais qu'il n'y a de guerres que celles que l'on entame entre deux clans, deux idées, deux peuples. Je ne crois pas en la guerre entre les Québécois et les Premières Nations. Elle serait sans issue. Si je suis là, c'est que je crois en la vie commune, en un juste partage des richesses, en une unité entre habitants d'un même territoire. Je sais que l'Histoire nous a fait bien du tord, mais elle nous a aussi donné d'appartenir à une modernité que l'on a su faire nôtre. Si je marche avec fiston aujourd'hui, c'est parce que j'en ai marre, moi aussi, de la passivité, de l'ignorance, du racisme, des victimes et des bourreaux. Je veux de l'ouverture, je revendique l'amitié de mon voisin, je cherche la voie qui saura nous liée. Je suis Innue, fière descendante d'un peuple ancien, je suis Québécoise, habitante d'un territoire riche et vaste. Je choisis la non-guerre.