lundi 25 juin 2012

La couleur de tes yeux

L’amour est le plus doux remède à l’amour. Je me suis endormie à tes côtés, des centaines de fois, pour ne pas compter les jours où nous étions séparés. De jeunes amants, dans la vingtaine, qui cherchaient non plus l’amour, puisque nous l’avions trouvé à la dérobée dans les baisers de l’autre, mais un endroit chaud et réconfortant pour fermer les yeux la nuit, un endroit qui nous ressemblait. Tu avais des yeux bleus. Des yeux clairs. Des yeux qui rougissaient parfois lorsque la peur te prenait, quand tu m’observais, que tu savais exactement mes pensées, ceux que mes yeux à moi ne pouvaient cacher. Je suis brune, de toute ma personne, mes mains et mes cheveux, mes yeux, deux billes noires, rondes, émotives, qui roulent pour ne pas pleurer. Nous nous sommes connus, dans une ville qui n’était ni la tienne, ni la mienne. Étudiants, avec l’avenir chargé de rêves. Des chemins déterminés, confiants. Passifs devant ce que nous semblaient ne durer qu’un temps. Me réveiller à tes côtés le premier matin, te toucher comme si c’était la dernière fois. Ton sourire timide et tes yeux. Tes yeux parfaits. Le temps c’était toi et moi. Allongés sur le gazon, sur le bord d’un lac. Nous faisions l’amour, nos corps réunis ne pouvaient se trouver ailleurs qu’à ce lieu précis, enlacés dans l’autre. Le temps c’était de courts escapades à Montréal, pour te voir, pour t’écouter rire et chanter, pour ne pas partir. Le temps c’était le cadeau qu’on s’offrait, entre deux cours à finir, des spectacles à faire et de la bière. Le temps c’est toujours ce qu’il nous manquait. Pour ne pas avoir à se dire au revoir, pour rester infiniment, se regarder infiniment. Nos rêves nous amenaient là où précisément nous voulions être, là où nous ne voulions rien céder et tout s’offrir, à soi. C’était des espoirs qui valaient le coup qu’on s’y attache, qu’on s’y agrippe, que jamais on ne baisse les bras. Nous étions entêtés, et je l’ai été, jusqu’à vouloir fuir et oublier. Nos rêves ont toujours été plus forts que le temps. Puis, il y a eu ces lendemains amers, des gorges sèches et l’amnésie involontaire. Ces matins qui s’accumulaient, les cheveux en bataille, les yeux endormis. Des roses cassées et la distance entre tes yeux et les miens. Il y a eu, la peur. La peur toute simple et réaliste que nous n’étions pas les bons. L’envie soudaine de fuir. De partir au loin, près d’une mer qui ne l’est pas, dans un village qui ne l’est pas. Et ne pas regarder derrière et chercher ailleurs, le temps. On m’a dit que c’est l’amour qui guérit de l’amour. Depuis, je cherche des yeux bleus.