samedi 24 novembre 2012

L'amant

Dès le départ, je savais qu'il ne serait qu'un amant. Rien de plus. Je savais que nous ne ferions pas l'épicerie ensemble, que nous n'habiterions pas le même appartement, que nous ne fêterions pas Noël en amoureux, que nous n'aurions pas d'enfant avec ses yeux et ma bouche. Ça je savais. Il était beau et grand, avec des grains de beauté sur le corps. Il était l'homme le plus épicurien que je n'avais jamais rencontré. Il voulait tout goûter, tout boire, se soûler jusqu'à l'aurore et recommencer. Et faire l'amour, et rire très fort, et voir ses amis, et fumer des joints, et s'extasier, et parler sans arrêt et dormir sans jamais se faire réveiller. Je ne lui ai jamais avoué, mais dans le secret je l'enviais. Je voulais sa liberté. Je désirais sa folie. Je l'invitais à dormir et ma tête posée sur son torse, je respirais doucement. Un bébé chat qui lèche le silence. La première fois qu'il m'a dit qu'il m'aimait, il l'a chuchoté tout près de mon oreille. Je mentirais si je disais qu'il n'avait pas été sincère. Surtout maintenant, ce serait malhonnête. Mais par la suite, il m'est arrivé de douter de son amour pour moi. Nous aurions pu continuer ainsi quelques temps. À se voir de manière elliptique. À s'aimer sans jamais rien concéder. À se mentir en croyant que tout cela était suffisant. Un matin il est parti. Nous nous étions disputé une fois de plus. Moi parce que je ne voulais pas qu'il parte chez ses parents pour la fin de semaine, ce qu'il faisait régulièrement, lui pour sa liberté. Il n'a pas rappelé, ni le lendemain, ni jusqu'à présent. Il n'est plus mon amant. Je ne sais pas si un jour il reviendra, quand il aura tout goûté, tout bu. Quand il voudra un endroit chaud pour dormir la nuit et boire un café tôt le matin. Quand entre deux excitations, il prendra le temps de respirer. Et là, dans le lit vide, je ne peux n'en vouloir qu'à moi-même, parce que je savais dès le départ.

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