samedi 13 octobre 2012

Chercher le temps

C'est en octobre que le temps nous échappe. Après avoir couru tout septembre, tout l'été, depuis avril, le temps fouette et nous rappelle la fin des choses. Je me souviens m'être baignée en juillet avec mon fils, à l'embouchure de la rivière moisie, marée basse et marée haute. Dans le courant fort de l'eau, on pataugeait. Je me souviens très clairement sa peau contre la mienne, parce qu'à l'embouchure, c'est presque la mer, et la mer au Nord c'est pas comme la mer au Sud. J'ai eu l'impression d'être comme ma mère, quand elle finissait pas céder, qu'elle enlevait son chandail, qu'elle gardait ses shorts, qu'elle se baignait avec nous, nous collés sur sa peau. Je me souviens d'un feu, derrière la maison de ma tante. Avec des amis de passage. Boire quelques bières, et se raconter que l'été était chaud, que l'air était bon, et qu'on espérait, chacun sans savoir comment, que nos vies se croisent, une autre fois. Je me souviens de cette idée assez absurde de faire de Kuessipan un film. Myriam, qui était venue jusqu'à Uashat, allée jusqu'à Mingan, pour voir l'innu-assi, pour parler avec les jeunes et moins jeunes des réserves. Je lui avais dit que rien n'était simple, que le plus simple était de ne porter aucun jugement. Et comme moi, lorsque je retourne chez-moi, elle avait remarqué la beauté, la fierté et le vrai. Alors, nous avons créé cette histoire, ce drame plein d'espoir. Nous avons cru que ça valait le coup. Tout juillet à inventer des vies, dans nos têtes, avec nos voix, sans presque rien écrire, tant l'histoire nous habitait. Je me suis dis qu'elle avait compris. Je me souviens de cette journée, où il fallait brusquement repartir. Retourner chez-moi, même si le concept de maison reste abstrait dans ma tête. Mon petit appartement qui m'attendait en désordre et la musique de la discothèque d'à-côté qui me réveillait en pleine nuit. Puis l'université, puis les travaux à remettre, puis les examens. C'est en octobre que le temps m'a échappé. Comme une marée trop haute. À contre-jour. Crédit photo Myriam Verrault.

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