mardi 28 septembre 2010

Devenir

Croître, grandir, se tenir debout
parler, ouvrir les yeux, se racler la gorge
étudier, ouvrir des livres, fermer la porte
se gêner, bifurquer, conduire prudemment
lire, écrire sur un papier blanc
se soûler, rire, trébucher
maigrir, grossir, rester brune
rêver, s'acharner, réussir
tomber, se sentir seule, se taire
pardonner, se méfier, être désorientée
désirer, fondre, donner la vie

chatouiller, laver, crémer
exister, vivre, devenir


Un an de plus, je ne vieillis pas, je deviens mature.

vendredi 24 septembre 2010

La réserve

Quel idée originale! Sincèrement. De faire un documentaire sur le racisme entre les Québécois de laine et les Innus qui partagent ensemble le territoire de Sept-Îles, une ville qui chevauche la réserve de Uashat. Un documentaire choc, comme on les aime, truffés de répliques qui scandalisent. Des images d'un enfant en couche sur le sable de sa réserve et le si symétrique travelling des maisons de Uashat et de Sept-Îles, en alternance. J'en suis si impressionnée que j'en ai mal au coeur, de ce coeur qui tente de ne jamais oublier où il est né.

Extrait du documentaire Rouge et Blanc de D-Cup Production (introuvable sur le web)
http://www.youtube.com/watch?v=L41nGW1guxc

Comme un coup de poing. Un effet qui renverse. Une idée creuse qui cherchera à jamais son chemin vers la conscience. Ce qui bouleverse, l'intransigeance des blancs, la maladresse des Innus à vouloir se faire comprendre dans une langue qui ne leur appartient pas, qui ne leur appartiendra jamais. Pourquoi ne pas lui demander, à ce rouge, son sentiment profond vis-à-vis son village? Pourquoi demandez à cette blanche ce qu'elle ignore de sa propre histoire? Elle dit: ils ont de la hargne. Même lorsque les coups sont donnés, ils restent des blessures. Sinon, les coups ne servent qu'à faire parler les anciens. Et je ne suis ni ancienne, ni empreinte de coups. Je suis celle qui se révolte devant l'ignorance, la mentalité crasse et le racisme.

Bien sûr, j'ai un parti pris. Bien sûr, je viens d'un village trop démuni pour être démoli par les siens.

Je connais ce village, Uashat. J'y suis née, comme bien d'autres et comme ces autres j'ai grandi. Tenter de comprendre pourquoi la pelouse ne pousse pas sur le sable, pourquoi les maisons se ressemblent toutes, pourquoi les clôtures n'arrêtent personne, pourquoi il n'y a pas d'arbres pour grimper. Je viens de là. Je viens d'une réserve indienne, d'un de ces minuscules périmètres dans lesquels on nous a donné le droit de vivre.

Mais je suis aussi de la droite, de ce monde qui réclame le droit d'exister selon ses propres convictions. Aucune gouvernance, sous aucune loi permanente ou non, ne devrait imposer à ses citoyens d'habiter un ou l'autre des territoires existants sous son monopole. Je suis contre les réserves.

D'ailleurs, une réserve c'est quoi? Un village anciennement barbelé? une restriction? un endroit pour préserver les animaux?

Je suis de là, je n'ai jamais eu peur de dire que les premiers habitants de ce pays sont mes ancêtres. Facile, lorsqu'on n'a pas connu les barrières, les distances, la haine et le sentiment de n'être rien.

Ce n'est qu'un extrait du documentaire et je sens la honte qui monte en moi. Je voulais écrire un livre qui donnerait une orientation juste ce qui est un village Innu de nos jours. Que faire après cela?

mardi 7 septembre 2010

Deux textes

Ce sont deux textes. Sans opinion, sans foi. Juste une vulnérabilité, une nostalgie, une sentiment de dépossession.

À ma petite
Quand il viendra, elle n’aura pas encore le droit de conduire, juste le devoir de s’instruire, Elle rougira de honte lorsqu’on lui demandera comment s’appelle son petit frère. Elle sera seule jusqu’à minuit, les soirs de fête dans une maison peu spacieuse pour les rêves de princesse. Elle aura vingt ans quand il fêtera son cinquième anniversaire.

Elle aura le double de son âge et aura l’impression qu’il la rattrape. Jeune et belle. Trente ans ce n’est rien. Peut-être grand-mère à l’âge où certains s’achètent leur première maison.

Il lui en voudra à seize ans de ne pas avoir été à la hauteur. Se lamentera comme une bête pour une paire de chaussures neuves qu’il n’aura jamais portée. Traduira son manque par un silence. Son silence par la jeunesse, l’insouciance, l’irresponsabilité de ses parents. Il criera qu’il est un accident et il aura mille fois raisons.

Mais il aura ses yeux à elle. De la douceur dans ses gargouillements. De la splendeur dans ses maladresses. L’envie de vivre dans ses tétées. Quand il viendra.



Enfant

Une maison qui ressemble à toutes les autres. Le vert des murs, le brun des poutres. Des marches presque pas défaites, juste quelques fissures de bois qui marquent le temps. Elle a mon âge, une vingtaine d'années à se tenir debout, immobile, sédentaire. Mes empreintes, celle que j’ai laissées lors de mes premiers pas, celles que je laisse encore quelques fois lors des fin de semaines prolongées. Ma mesure, de petites rayures sur fond blanc qui marquent mon enfance jusqu’à mes sept ans. Une chambre parfaite pour trois petites filles et une autre juste à côté pour un frère aîné qui n’aime pas se chamailler.

Derrière elle, il y avait un bois, petit, à notre grandeur. Des framboises et des bleuets, mis là exprès pour les journées chaudes de juillet. Les épinettes étaient rabougris, mais ils soutenaient les quelques planches en bois que mon frère avait clouées en guise de barricades. Aujourd’hui, c’est un dispensaire et un dépanneur. La clôture qui séparent la maison du stationnement n’arrête ni les soûlons, ni les autres.

Ma mère tente de faire pousser du gazon sur du sable et je la félicite chaque fois que je vois les quelques bouquets de trèfles qui se brandissent les feuilles. Il faudrait aussi refaire les fenêtres, les planchers et la peinture des murs. La maison a vieillit au même rhytme que le mien je suppose, même si les choses vieillissent plus vite par là-bas, d’où je viens. Personne ne s’en rend compte, mais elles vieillissent et puis elles meurent.



Merci d'avoir écouté

mercredi 1 septembre 2010

Ma culture et les autres

Une question intéressante que l'on m'a posée dans un cours d'université en début de session: Qu'est-ce que la culture? Je vous partage ma réponse.

"Se reconnaître cultivée ressemble étrangement à une flatterie, une caresse que l’on fait à son cerveau. Petite, je lisais tous les livres de poche pour adolescentes que je trouvais à la bibliothèque de mon école. Je lisais pour le plaisir et encore aujourd’hui, je me souviens très exactement les mots d’amour d’Ovila à Émilie dans Les Filles de Caleb, alors que je ne pourrais jamais vous résumer la fin du livre Le Père Goriot, faute de l’avoir lu dans sa totalité. Bien sûr, on m’a imposé de la culture générale, la raison idyllique pour laquelle le cégep existe. Heureusement, j’ai appris à aimer l’art dans son ensemble, pour ce qu’il est, un moyen de communiquer. Cependant, je réalise que le fait de reconnaître une toile de Picasso, de Monet ou de Caravage ne me rend pas plus cultivée que ce jeune adolescent que j’ai rencontré dans mon premier stage et qui me parlait des romans de Patrick Sénécal. Je hochais la tête, mais je savais qu’il savait que je ne savais rien sur cet auteur ni sur ses œuvres.

La culture est quelque chose que l’on construit soi-même. Ma culture, celle que je connais par cœur, ressemble à mes goûts, à mes couleurs, à mes plumes et à mes mots. Sans doute, en me menaçant d’un échec, un professeur arriverait à me faire avaler Maupassant et sans doute, je ne retiendrai que l’essentiel, c’est qu’il m’a déplu. Je sais également qu’il faut parfois persister dans une lecture plutôt lourde pour finalement se laisser séduire par la douloureuse histoire d’amour d’une Thérèse Raquin. Ou bien se laisser expliquer un Carré noir sur fond blanc, pour apprécier le geste politique dans la démarche d’un peintre.

La culture peut être encouragée. Le rôle de l’enseignant de français est celui de présenter des œuvres, des auteurs, des époques et des styles. Dans un monde idéal, avant de tenter de faire avaler une poésie du passé à un jeune, on chercherait à savoir quel genre l’attire. Puis, on s’attarderait avec lui sur les auteurs qu’il serait susceptible d’apprécier. Quelques mois plus tard, il nous épaterait avec la dizaine d’Agatha Christie qu’il aurait dévorés et avec en prime une moyenne à la hausse. C’est une théorie. Cependant, je crois qu’il faut tenter de voir les jeunes du secondaire comme autre chose que des vases creux à remplir. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils ont des goûts et des saveurs. Je ne dis pas qu’il ne faut pas imposer des livres, je dis qu’il faut s’intéresser à ce qu’ils aiment et ne pas mettre un auteur dans leurs lectures obligatoires simplement parce qu’il est mort tragiquement il y a cent ans.

Vous en connaissez, j’en suis persuadée, des gens qui exposent leurs connaissances comme s’ils vous débitaient une fable de La Fontaine, sans passion et sans risque. Ils savent, parce qu’ils l’ont appris, que la poésie de Nelligan est le début du symbolisme au Québec et qu’il est mort seul, supposément aliéné, le 18 novembre 1941. Ces gens-là ne vous diront jamais ce qui les a émut dans Le Vaisseau d’or, mais plutôt, ils vous citeront un critique littéraire renommé. C’est un peu le contraire de quelqu’un que je considère cultivé. Si une personne est capable de me citer en ordre chronologique tous les groupes de métal qu’il connaît et qu’ensuite il est capable de jouer quelques morceaux sur sa guitare électrique, alors je saurais que cette personne possède de la culture, la sienne. Le pire, c’est de ne s’intéresser à rien réellement, mais de simplement s’accrocher à ce qui est sensé être intéressant d’après les autres.

D’ailleurs, la culture est une montagne. C’est vrai. Pensez à tous ces auteurs, ces peintres, ces sculpteurs, ces compositeur, ces réalisateurs, ces artisans, ces photographes et encore, il ne s’agit que des acteurs du domaine des arts. Il y a encore les domaines de la science, des mathématiques, de la psychologie, de la philosophie et des dompteurs de chevaux, pourquoi pas? J’y renonce. C’est immense, presque étouffant, mais merveilleux tout à la fois. Merveilleux parce qu’il démontre l’expertise et l’émotion grandiose de l’être humain. La culture, c’est tout ça et c’est la mienne aussi.

Je viens d’un peuple ancien, nomade et chasseur. Ce que mes grands-parents m’ont légué, c’est la beauté dans les choses simples. Une fleur brodée sur un mocassin en cuir. Un tambour qui résonne bien au-delà des choses terrestres. Un amour et un respect, pour ce qui ne dure qu’un temps et pour ce qui façonne l’avenir. C’est ce qui guide ma culture. C’est ce que j’aime. L’émotion abstraite dans une toile pleine d’oies blanches de Riopel jusqu’à la simplicité des mots dans une chanson de Florant Vollant.

La passion vient de la personne qui la ressent. Tenter de transmettre sa propre passion est une chose noble, plus accessible dans l’enseignement. L’enseignant est en mesure de faire apprécier les arts s’il est en mesure de les voir tels qu’ils sont, des œuvres empreints d’humanité et de réalisme, empreints de soi et des autres."

Deux pages, 1.5 interligne, times new roman et une excellente question pour une future prof.