dimanche 26 décembre 2010

Bribes 2

Au début, c’est tout petit. Une idée furtive, un mot qui ne veut rien dire. Des images de soi qui paradent dans la tête, une signature comme un gribouillis. Seule, dans une bulle mise là exprès pour les écarts d’imaginaire. On se donne le premier rôle d’un scénario émotif et irrationnel. Les autres trouvent insensé, irréel, presque comique les parcelles qu’ils comprennent. Alors, on se tait, pour le cela qui est trop fragile à défendre. Pour cette chose sans nom, sans reconnaissance. Et dans le silence, dans le secret, tout doucement il grandit. C’est la naissance d’un rêve.

mercredi 15 décembre 2010

Bribe

Il arrive parfois que l’on s’enfarge, sans trop savoir comment. Un été chaud, de la moiteur et de l'ivresse. La réalité vient aussi brutale que des pleurs de bébé durant un rêve fantasmatique. Et sans trop savoir pourquoi, on se lève et on ne jure pas. On remplit un biberon et on prend le petit être pour le mettre sur son lit, jusqu’au lendemain, jusqu’à la dernière nuit.

vendredi 10 décembre 2010

Nordicité, avec Jean Désy

"Partir pour un nomade, ce n'est jamais fuir, c'est plutôt rester en quête. Partir, c'est faire en sorte que la quête se poursuive, inlassablement, en dehors du temps programmé"

Étrangement, en lisant son livre, j'ai appris beaucoup plus sur Jean Désy qu'en le rencontrant pour le programme de mentorat. Je savais qu'il était médecin, avait déjà pratiqué chez les Inuits. Qu'il était écrivain, poète. Qu'il enseignait à l'université, qu'il a quatre enfants. Mais j'ignorais qu'il avait traversé le Grand Nord en skidou, avec le froid intense et les cabanes éloignées. J'ignorais qu'il avait vu ces immenses glaciels qui nourrissent le courage des humains. Je ne savais pas qu'il était, lui aussi, un nomade.

"On voyage par nomadisme intrinsèque, quand il y a de l'espace à parcourir, quand il y a des silences à écouter, quand il y a un passant, un étranger, un Nord-Côtier, un Innu, un Inuit ou un montagnard qui accepte de partager son gibier, son fromage ou une tasse de thé."

On a partagé quelques cafés ensemble, dans ce bistro au nom imprononçable. L’endroit est étroit, les murs boisés, situé sur rue Cartier avec beaucoup de passants. Je n’ai pas choisi mon mentor, on me l’a assigné, comme une évidence. Chaque rencontre, un apprivoisement. Des discussions qui s'amalgament, avec un but tout de même, l'écriture d'un livre, le mien. Deux heures passent, je ne sais encore que très peu de lui. Personne ne se livre aussi facilement que dans un bouquin.

"La toundra demeure le symbole même de la nordicité extrême, du nomadisme et de la grande liberté. La toundra est une poème: elle nous appelle. Mais il faut accepter son cri. Car la toundra nous happe, nous englobe, elle nous prend et nous reprend, nous rend à nous-mêmes, nous fait poussière et molécule, parcelle d'air et de cosmos. Alors nous retournons à nos origines, nous baignons dedans."

Je ne visite pas souvent Nutshimit, la forêt du Nord, à cause de la distance, à cause de mes études, à cause des coûts, à cause de je ne sais plus. Mais, je sais qu'un jour, j'irai là où il est allé. Affronter le vent et sa morsure, regarder la lune se lever, dormir tôt et le matin partir. Lorsqu'il parle de ses voyages, j'ai des images d'infini qui me reviennent en mémoire, et moi qui suis fière, je veux gravir ces glaciels et regarder de haut les îles lointaines. Cette grandeur elle m'habite, un souvenir d'enfance. Cela fait trop longtemps déjà.

"Je ne suis qu'un autochtone qui a bâti sa cabane en attendant de décoller en canot."

Je sais qu'il aime nos modes de vie, nos manières, nos certitudes. Si l’autochtone est l'habitant de la terre, s'il l'a parcouru et admiré, s'il l'a combattu malgré les obstacles, malgré la bravade de la suprême nature, alors oui, il l'est.

Merci Jean

Tous les extraits sont tirés du livre L'esprit du Nord, étition XYZ, par Jean Désy

lundi 29 novembre 2010

Nekuess

Je ne parle pas de lui très souvent, sinon en parallèle, sinon en marge. Le petit être qui partage ma vie, la façonne, et bien souvent, l'oriente. C'est parce qu'il ne parle pas beaucoup, mis à part lorsqu'il veut un autre biscuit, ou alors lorsqu'il crie maman en pleine nuit. Il est petit, insensé dans ses manières; il dit des mots inintelligibles, me regarde avec insistance; il pense que je sais ce qu'il sait, si adorable lorsqu'il me pousse adroitement de ses de petits bras vers le but convoité.

Il est là, le matin, le jour, le soir, la nuit. Cette petite personne à qui bien malencontreusement j'ai donné la vie. Sans le vouloir, mais sans pouvoir la lui reprendre. Il est né chauve, avec la peau foncé, des rides qui apparaissaient sur son front dans ses élans de larmes et avec de minuscules mains qu'on embrasse sans savoir pourquoi. Muashkuss, mon petit ours.

Il est là le matin, engouffrant un bol de céréales alors que je bois tranquillement un café en parfaite étudiante. Il est là le jour avec les dix milles voitures qu'il éparpille pour mieux que je nettoie. Il est là le soir, dans ma solitude de mère, dans mes angoisses de ne pas être à la hauteur; il est là qui m'observe et me sourie, mon fiston. Il est ma poésie, si poésie est synonyme d'espérance, de beauté et de larmes versée.

Un petit homme, haut comme trois pied, qui partage ma vie, lui donne vie, la rend belle. Je souhaite qu'il tombera amoureux, j'espère qu'il rêvera plus haut que les étoiles le permettent, je veux qu'il croit, bien au-delà des règles bétons de la société, que la beauté est celle que le coeur imagine. Un rêveur, un penseur, ne idéaliste. Pauvre petit lui.

Je t'aime fils

jeudi 25 novembre 2010

Innu aimun- la langue innue

La langue est le pari risqué d'un peuple. Si elle survit, le peuple survit. Et si elle se noie dans le pluralisme d'une société nouvelle, le peuple se noie aussi. Oubliant la nécessité d'appartenir à ce qui leur est ancien, imprégné sur le sol des chemins parcourus. Je possède deux langues, le français et l'innu, mais seulement l'une d'elles est mienne. Parce que ma grand-mère saura que je parle d'elle si je dis Nukum. Parce que mon fils comprend que Nekuess c'est aussi son nom. Parce que l'amour profond que je porte à ceux qui me sont chers se traduit par un tshe shuenemeten.

Le risque dans le pari, c'est le libre arbitre. Une professeur plutôt drastique de l'histoire de la langue française nous disait qu'il suffisait de trois générations pour éteindre une langue chez une famille immigrante. Les grands-parents sont unilingues espagnol, les parents sont bilingues espagnol et français, les enfants ne parlent que le français. Je ne suis pas immigrante, mais je vis dans une ville où personne ne parle ma langue. Ce combat, je le mène moi aussi, et d'autres avec moi, pour que jamais nos enfants ne soient la dernière génération.

Je veux qu'il apprenne à dire Neka, maman, lorsqu'il aura quelque chose de très important à me demander. Je veux cette proximité, presque le secret, qu'apporteront nos conversations en innu dans les lieux publics. Je veux qu'il comprenne ses petits-cousins de Uashat, et qu'il se sente appartenir à ce peuple de nomades qui ont toujours su nommer la moindre petite chose qui vivait, qui poussait sur le sol.

vendredi 19 novembre 2010

Rendre à César

J'écris ceci, sans vouloir être flatteuse, mais parce que je crois que rien n'arrive dans le hasard.

Il y a un peu plus d'un an, j'ai choisi de suivre un cours de création littéraire de M. François Bon. Mes choix de cours, je les ai toujours fait sans beaucoup d'appréhension, alors ce Bon dans le nom du professeur, ne m'apparaissait ni étranger, ni prometteur. La première fois que j'ai rencontré ce vieux Français à l'accent bien intégré, j'ai bien cru ne jamais rien comprendre de ce qu'il disait et de ce qui semblait si impératif que l'on comprenne. Dans sa gestuelle, dans ses mots, il était plus qu'expressif. Il était implosif de cette passion que l'on contient qui jaillit bien au-delà du désir. C'est ainsi qu'il était, en parlant de Simon, de Duras et surtout de Perec. Lorsqu'il lisait, il tapait le tempo avec le pied. Les textes que nous écrivions avaient tellement plus de rythme, de sens, lorsque c'était lui qui les lisait. Nous avions l'impression d'être écrivains.

J'écris depuis mon enfance. J'ai écrit un journal, des lettres sans correspondance, des textes courts, mes états d'âmes. J'écrivais parce que j'aimais être face à moi-même, parce que j'aimais les belles tournures de phrases. Mais jamais, je n'avais pensé, avant cette rencontre avec François Bon, que tout cela avait du sens, un quelconque intérêt.

Il a aimé, je suppose, les thèmes que j'abordais. Touché d'entendre lire un autre peuple que le sien. Il a cru que ce que j'avais à dire avait une importance, une portée. Pour ma part, il a saisi, bien au-delà des mots, l'émotion abstraite de vouloir exister, de ne jamais être cloisonnée, de faire partie, mais d'être soi. J'ai aimé lorsqu'il disait en critiquant mes textes: ça on s'en fout. Plus encore: il faut oser dire que personne n'a vu Paris.

Je crois que l'on ne naît pas ni ne devient écrivain. Je crois que ce sont les autres qui font de nous des écrivains.

Merci M. François Bon

dimanche 14 novembre 2010

Pour elles

Tout récemment, mon livre Kuessipen qui signifie "À mon tour" en Innu, a été publié sur publie.net. C'était un évènement! Dans ma toute petite existence de mère et d'étudiante, j'ai eu l'impression d'être quelqu'un.

Ce dont je parle. Mon peuple les Innus, longuement appelé Montagnais mais qui depuis peu se sont réappropriés leur propre nom jusque dans les livres d'Histoire. Ma réserve, mon village, Uashat qui signifie là où la terre se courbe, une baie. Ma famille, ceux qui me sont chers, ceux que je connais, ceux qui m'ont appris les choses que je sais de la vie. Mon garçonnet, mon espoir, mon rire, ma persévérance. Je parle de lieux qui existent, je parle de choses qui ont lieu. J'ai voulu être honnête, même si la réalité parfois nous écrase dans nos idéaux et nos rêves de devenir fort.

Ce dont je ne parle pas, c'est ma peur solidement ancrée dans chacun de mes mots de ne pas être vraie. De décrire une réserve que même ses habitants ne sauraient reconnaître. De mentir sur notre nature si longtemps dénaturés par d'autres. Je ne parle pas de ce que je n'ai pas vu ou entendu. Certainement, je courbe les phrases, comme la terre se courbe lorsque l'eau va à sa rencontre. Certainement, je ne dis pas tout. J'ai voulu partager le fardeau bien lourd de mon peuple. J'ai voulu que les autres saches la souffrance, pour la compassion que cela apporte, la compréhension au lieu de la pitié qui ne nourrit personne et dont personne n'en sort grandi.

Je me disais, entre deux lavages, comme il serait plaisant que les gens parlent de mon livre. Qu'ils le critiquent, comme si j'étais écrivaine. Je rêvassais pour continuer d'être quelqu'un dans mon petit 4 et demi, tout juste grand pour mon imaginaire. Puis, il y a eu une madame cjeanney sur Pages à pages qui a publié un texte magnifique qui rend le mien plus persuasif. Je lui en suis très reconnaissante.

Il y a eu confirmation de la pertinence. Mais comment le décrire sans l'écrire, cette émotion que j'ai ressenti en faisant la lecture d'un de mes textes à ma mère et à sa soeur en pleine matinée, en buvant du café. Je leur lisais deux paragraphes que j'avais écrit pour ma grand-mère, leur mère. Mes souvenirs à moi, une femme qui avait donné la vie à dix-neuf enfants, qui nous nourrissaient à chaque visite. Dans la simplicité qu'elle était, dans cette fermeté dont elle accomplissait toute sa besogne du jour. Dans ses imperfections et dans sa beauté. Ma mère et ma tante ont pleuré, comme on pleure sur une morte qui nous manque. C'était elle, bien vivante dans les quelques mots que j'avais écrits. Et c'est pour elles, pour ceux qui se souviennent que j'écris, aussi. Tenter de laisser une marque plus ou moins tangible sur la longue humanité. Pour elles, et pour eux, qui restent fiers même dans la souffrance, fier d'appartenir. L'espoir de voir renaître la fierté de mon peuple. Bien au-delà des mots, il y a nous.


Mon livre sur www.publie.net http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503793/kuessipen

La critique sur Pages à pages http://pagesapages.wordpress.com/2010/11/11/kuessipen-de-naomi-fontaine/

samedi 16 octobre 2010

Bien lu

Il y avait des troncs d'arbres, ils étaient gigantesques. Des têtes en ombres, ou des ombres de têtes, que sais-je, je tremblais de l'intérieur, bien au-delà des tressaillements de ma voix. Les soupirs entre les mots ça allait toujours, c'est mes souliers à talons qui m'ont trahie. Alors que je tentais tout bonnement de donner le rythme à mes mots en tapant du pied, je ne savais pas que le silence était trop parfait pour le sol en matière écho. Drôle, peut-être. Les mots j'espère ont tout de même passé le cap de l'intolérable bruit sourd des escarpins qui claquent et ont donné à voir ce qu'ils devaient montrer.

J'ai parlé de la langue, de nutshimit la terre de mes ancêtre, de skidoo, de la danse qui rend fier, de la maison qui se meurt, de ma cousine. Je n'ai pas parlé de Marco, ni des pères absents, ni de désinvolture, ni de la nuit, ni d'accident, ni de la mer. J'ai commencé par Il dit et terminé par silence.

J'ai lu devant ces gens, ce que je voulais lire. Je n'ai pas vu leur regard, leur approbation ou le contraire. J'ai aimé leur partager. J'ai voulu être sincère, j'ai levé les yeux et j'ai dis merci.

-Récit d'une lecture-

mardi 28 septembre 2010

Devenir

Croître, grandir, se tenir debout
parler, ouvrir les yeux, se racler la gorge
étudier, ouvrir des livres, fermer la porte
se gêner, bifurquer, conduire prudemment
lire, écrire sur un papier blanc
se soûler, rire, trébucher
maigrir, grossir, rester brune
rêver, s'acharner, réussir
tomber, se sentir seule, se taire
pardonner, se méfier, être désorientée
désirer, fondre, donner la vie

chatouiller, laver, crémer
exister, vivre, devenir


Un an de plus, je ne vieillis pas, je deviens mature.

vendredi 24 septembre 2010

La réserve

Quel idée originale! Sincèrement. De faire un documentaire sur le racisme entre les Québécois de laine et les Innus qui partagent ensemble le territoire de Sept-Îles, une ville qui chevauche la réserve de Uashat. Un documentaire choc, comme on les aime, truffés de répliques qui scandalisent. Des images d'un enfant en couche sur le sable de sa réserve et le si symétrique travelling des maisons de Uashat et de Sept-Îles, en alternance. J'en suis si impressionnée que j'en ai mal au coeur, de ce coeur qui tente de ne jamais oublier où il est né.

Extrait du documentaire Rouge et Blanc de D-Cup Production (introuvable sur le web)
http://www.youtube.com/watch?v=L41nGW1guxc

Comme un coup de poing. Un effet qui renverse. Une idée creuse qui cherchera à jamais son chemin vers la conscience. Ce qui bouleverse, l'intransigeance des blancs, la maladresse des Innus à vouloir se faire comprendre dans une langue qui ne leur appartient pas, qui ne leur appartiendra jamais. Pourquoi ne pas lui demander, à ce rouge, son sentiment profond vis-à-vis son village? Pourquoi demandez à cette blanche ce qu'elle ignore de sa propre histoire? Elle dit: ils ont de la hargne. Même lorsque les coups sont donnés, ils restent des blessures. Sinon, les coups ne servent qu'à faire parler les anciens. Et je ne suis ni ancienne, ni empreinte de coups. Je suis celle qui se révolte devant l'ignorance, la mentalité crasse et le racisme.

Bien sûr, j'ai un parti pris. Bien sûr, je viens d'un village trop démuni pour être démoli par les siens.

Je connais ce village, Uashat. J'y suis née, comme bien d'autres et comme ces autres j'ai grandi. Tenter de comprendre pourquoi la pelouse ne pousse pas sur le sable, pourquoi les maisons se ressemblent toutes, pourquoi les clôtures n'arrêtent personne, pourquoi il n'y a pas d'arbres pour grimper. Je viens de là. Je viens d'une réserve indienne, d'un de ces minuscules périmètres dans lesquels on nous a donné le droit de vivre.

Mais je suis aussi de la droite, de ce monde qui réclame le droit d'exister selon ses propres convictions. Aucune gouvernance, sous aucune loi permanente ou non, ne devrait imposer à ses citoyens d'habiter un ou l'autre des territoires existants sous son monopole. Je suis contre les réserves.

D'ailleurs, une réserve c'est quoi? Un village anciennement barbelé? une restriction? un endroit pour préserver les animaux?

Je suis de là, je n'ai jamais eu peur de dire que les premiers habitants de ce pays sont mes ancêtres. Facile, lorsqu'on n'a pas connu les barrières, les distances, la haine et le sentiment de n'être rien.

Ce n'est qu'un extrait du documentaire et je sens la honte qui monte en moi. Je voulais écrire un livre qui donnerait une orientation juste ce qui est un village Innu de nos jours. Que faire après cela?

mardi 7 septembre 2010

Deux textes

Ce sont deux textes. Sans opinion, sans foi. Juste une vulnérabilité, une nostalgie, une sentiment de dépossession.

À ma petite
Quand il viendra, elle n’aura pas encore le droit de conduire, juste le devoir de s’instruire, Elle rougira de honte lorsqu’on lui demandera comment s’appelle son petit frère. Elle sera seule jusqu’à minuit, les soirs de fête dans une maison peu spacieuse pour les rêves de princesse. Elle aura vingt ans quand il fêtera son cinquième anniversaire.

Elle aura le double de son âge et aura l’impression qu’il la rattrape. Jeune et belle. Trente ans ce n’est rien. Peut-être grand-mère à l’âge où certains s’achètent leur première maison.

Il lui en voudra à seize ans de ne pas avoir été à la hauteur. Se lamentera comme une bête pour une paire de chaussures neuves qu’il n’aura jamais portée. Traduira son manque par un silence. Son silence par la jeunesse, l’insouciance, l’irresponsabilité de ses parents. Il criera qu’il est un accident et il aura mille fois raisons.

Mais il aura ses yeux à elle. De la douceur dans ses gargouillements. De la splendeur dans ses maladresses. L’envie de vivre dans ses tétées. Quand il viendra.



Enfant

Une maison qui ressemble à toutes les autres. Le vert des murs, le brun des poutres. Des marches presque pas défaites, juste quelques fissures de bois qui marquent le temps. Elle a mon âge, une vingtaine d'années à se tenir debout, immobile, sédentaire. Mes empreintes, celle que j’ai laissées lors de mes premiers pas, celles que je laisse encore quelques fois lors des fin de semaines prolongées. Ma mesure, de petites rayures sur fond blanc qui marquent mon enfance jusqu’à mes sept ans. Une chambre parfaite pour trois petites filles et une autre juste à côté pour un frère aîné qui n’aime pas se chamailler.

Derrière elle, il y avait un bois, petit, à notre grandeur. Des framboises et des bleuets, mis là exprès pour les journées chaudes de juillet. Les épinettes étaient rabougris, mais ils soutenaient les quelques planches en bois que mon frère avait clouées en guise de barricades. Aujourd’hui, c’est un dispensaire et un dépanneur. La clôture qui séparent la maison du stationnement n’arrête ni les soûlons, ni les autres.

Ma mère tente de faire pousser du gazon sur du sable et je la félicite chaque fois que je vois les quelques bouquets de trèfles qui se brandissent les feuilles. Il faudrait aussi refaire les fenêtres, les planchers et la peinture des murs. La maison a vieillit au même rhytme que le mien je suppose, même si les choses vieillissent plus vite par là-bas, d’où je viens. Personne ne s’en rend compte, mais elles vieillissent et puis elles meurent.



Merci d'avoir écouté

mercredi 1 septembre 2010

Ma culture et les autres

Une question intéressante que l'on m'a posée dans un cours d'université en début de session: Qu'est-ce que la culture? Je vous partage ma réponse.

"Se reconnaître cultivée ressemble étrangement à une flatterie, une caresse que l’on fait à son cerveau. Petite, je lisais tous les livres de poche pour adolescentes que je trouvais à la bibliothèque de mon école. Je lisais pour le plaisir et encore aujourd’hui, je me souviens très exactement les mots d’amour d’Ovila à Émilie dans Les Filles de Caleb, alors que je ne pourrais jamais vous résumer la fin du livre Le Père Goriot, faute de l’avoir lu dans sa totalité. Bien sûr, on m’a imposé de la culture générale, la raison idyllique pour laquelle le cégep existe. Heureusement, j’ai appris à aimer l’art dans son ensemble, pour ce qu’il est, un moyen de communiquer. Cependant, je réalise que le fait de reconnaître une toile de Picasso, de Monet ou de Caravage ne me rend pas plus cultivée que ce jeune adolescent que j’ai rencontré dans mon premier stage et qui me parlait des romans de Patrick Sénécal. Je hochais la tête, mais je savais qu’il savait que je ne savais rien sur cet auteur ni sur ses œuvres.

La culture est quelque chose que l’on construit soi-même. Ma culture, celle que je connais par cœur, ressemble à mes goûts, à mes couleurs, à mes plumes et à mes mots. Sans doute, en me menaçant d’un échec, un professeur arriverait à me faire avaler Maupassant et sans doute, je ne retiendrai que l’essentiel, c’est qu’il m’a déplu. Je sais également qu’il faut parfois persister dans une lecture plutôt lourde pour finalement se laisser séduire par la douloureuse histoire d’amour d’une Thérèse Raquin. Ou bien se laisser expliquer un Carré noir sur fond blanc, pour apprécier le geste politique dans la démarche d’un peintre.

La culture peut être encouragée. Le rôle de l’enseignant de français est celui de présenter des œuvres, des auteurs, des époques et des styles. Dans un monde idéal, avant de tenter de faire avaler une poésie du passé à un jeune, on chercherait à savoir quel genre l’attire. Puis, on s’attarderait avec lui sur les auteurs qu’il serait susceptible d’apprécier. Quelques mois plus tard, il nous épaterait avec la dizaine d’Agatha Christie qu’il aurait dévorés et avec en prime une moyenne à la hausse. C’est une théorie. Cependant, je crois qu’il faut tenter de voir les jeunes du secondaire comme autre chose que des vases creux à remplir. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils ont des goûts et des saveurs. Je ne dis pas qu’il ne faut pas imposer des livres, je dis qu’il faut s’intéresser à ce qu’ils aiment et ne pas mettre un auteur dans leurs lectures obligatoires simplement parce qu’il est mort tragiquement il y a cent ans.

Vous en connaissez, j’en suis persuadée, des gens qui exposent leurs connaissances comme s’ils vous débitaient une fable de La Fontaine, sans passion et sans risque. Ils savent, parce qu’ils l’ont appris, que la poésie de Nelligan est le début du symbolisme au Québec et qu’il est mort seul, supposément aliéné, le 18 novembre 1941. Ces gens-là ne vous diront jamais ce qui les a émut dans Le Vaisseau d’or, mais plutôt, ils vous citeront un critique littéraire renommé. C’est un peu le contraire de quelqu’un que je considère cultivé. Si une personne est capable de me citer en ordre chronologique tous les groupes de métal qu’il connaît et qu’ensuite il est capable de jouer quelques morceaux sur sa guitare électrique, alors je saurais que cette personne possède de la culture, la sienne. Le pire, c’est de ne s’intéresser à rien réellement, mais de simplement s’accrocher à ce qui est sensé être intéressant d’après les autres.

D’ailleurs, la culture est une montagne. C’est vrai. Pensez à tous ces auteurs, ces peintres, ces sculpteurs, ces compositeur, ces réalisateurs, ces artisans, ces photographes et encore, il ne s’agit que des acteurs du domaine des arts. Il y a encore les domaines de la science, des mathématiques, de la psychologie, de la philosophie et des dompteurs de chevaux, pourquoi pas? J’y renonce. C’est immense, presque étouffant, mais merveilleux tout à la fois. Merveilleux parce qu’il démontre l’expertise et l’émotion grandiose de l’être humain. La culture, c’est tout ça et c’est la mienne aussi.

Je viens d’un peuple ancien, nomade et chasseur. Ce que mes grands-parents m’ont légué, c’est la beauté dans les choses simples. Une fleur brodée sur un mocassin en cuir. Un tambour qui résonne bien au-delà des choses terrestres. Un amour et un respect, pour ce qui ne dure qu’un temps et pour ce qui façonne l’avenir. C’est ce qui guide ma culture. C’est ce que j’aime. L’émotion abstraite dans une toile pleine d’oies blanches de Riopel jusqu’à la simplicité des mots dans une chanson de Florant Vollant.

La passion vient de la personne qui la ressent. Tenter de transmettre sa propre passion est une chose noble, plus accessible dans l’enseignement. L’enseignant est en mesure de faire apprécier les arts s’il est en mesure de les voir tels qu’ils sont, des œuvres empreints d’humanité et de réalisme, empreints de soi et des autres."

Deux pages, 1.5 interligne, times new roman et une excellente question pour une future prof.

lundi 23 août 2010

L'Arctique devient prospère

Ah oui? Il me semblait que ça fondait par là-bas.

Elle est riche, trop riche, et beaucoup l’ont vu venir, comme une huitre qui tranquillement fabrique une perle. Elle fond, et heureusement qu’elle fond, car qui voudrait d’elle autrement, sinon un vieux ours blanc qui y vit depuis longtemps. Elle vieillit et contrairement aux hommes, elle se bonifie comme le bon vin de France, de l’Amérique, de la Chine et bien sûr la Russie. Comme une vieille habituée aux humeurs des autres qui ne fait que s’endurcir devant la vigueur de ses hôtes.

Ah oui? Et pourtant, la terre blanche est belle.

Les vastes étendues perpétuelles. Comme une valse devant la grandeur d’un céleste Dieu. Elle bouge et devient tendue, devient raide et glaciale. Puis, baisse les épaules, s’incline et s’oblige. Nourrit comme un vœu, des êtres qui ont faim, de cet air froid, de cette neige blanche.

Ah oui? Mais que deviendront-ils?

Je ne sais pas. Personne ne le sait. J’ai vu un ours polaire hier à l’Aquarium, étendu sur son morceau de béton blanc qui lui servait de glace et puis un guide fort instruit qui a excusé son inactivité par une banale raison de saison. L’été, ils ne bougent pas. Bien sûr. Mais mon été ce n’est pas son été, ou sinon, aussi bien mettre son pays en couleur verte comme le mien sur les globes et les mappes monde.

Ah oui? Et puis encore?...

mardi 29 juin 2010

Et pourtant

Il y a cette histoire qui m’émeut, que mon beau-frère m’a racontée dans le blanc des yeux. Beaucoup plus belle dans la langue Innu, mais pour le plaisir de vos oreilles, je la relate ici en français :

« C’était ma grand-mère, il me dit, elle m’a parlé ainsi, quand j’étais jeune.

-Tout ceci est bien beau mon garçon. L’ère moderne, les édifices plus hauts que le ciel. La facilité, les épiceries et les choses que je ne saurais nommer. Tout ceci est beau. Mais, il arrivera un jour, mon garçon, où tout ceci achèvera, se détruira, s’écroulera. Alors, nous retournerons vers nos coutumes, nos manières de vivre qui semblent bien inutiles aujourd’hui. Nous vivrons dans la forêt. Nous prendrons de nos mains ce que la terre daignera nous offrir.

Ce jour-là, mon garçon, l’homme blanc viendra vers toi, te supplier à genoux de l’aider, et ce jour-là, mon garçon, tu l’aideras. Une fois de plus. »

L'esprit des vieux ne ressemble à rien, ni à la modernité, ni à l'indifférence. Il est immuable comme une empreinte habituée au sol rigide.

lundi 28 juin 2010

Le beau mensonge

J’aimerais être la seule à penser ce que je vais dire tout haut. Mieux, j’aimerais me tromper et devoir faire des excuses, des demandes de pardon, me morfondre et être restreinte à me créer un nouveau blog sous un pseudonyme. Me la fermer à tout jamais avec mon pessimisme.

Hier, je discutais avec un prof dans la quarantaine. Un homme bien pensant, connaisseur, intrigué comme bien d’autres sur notre culture et nos manières de vivre. Pas idiot, mais idéaliste, comme bien d’autres aussi.

« Y a-t-il un moyen de conserver votre culture, tout en vous adaptant à la société. Ne pas construire des bulles. Être fiers de ce que vous êtes»

Il a parlé d’une faculté pour les autochtones à l’intérieur d’une université déjà existante, d’un scoutisme basé sur les connaissances des Premières Nations, d’une réécriture des légendes, d’une formation intensive de la langue écrite et parlée pour pouvoir aussi bien écrire en français qu’en Innu et être capable de parler un langage autre que celle de cuisine, comme il disait . Des idées, comme ça, que j’ai appuyées bien sûr. C’est pas fou. Je serais la première à inscrire fiston dans un programme de scout où il apprendrait à faire des feux à l’ancienne et à monter une tente traditionnelle avec des perches. Je voudrais qu’il existe des cours spécialisé sur ma langue qui m’apprendrait à nommer les jours de la semaine, les mois, les chiffres, les quelques milliers de termes français que je suis incapable de traduire en Innu.

Je n’ai pas pu m’empêcher de répondre tout de même :

« Tout ça c’est bien beau, mais c’est un rêve. De prétendre que la nation Innue est toujours aussi proche et fière de sa culture. Puis la culture, qu’est-ce que c’est? »

On a perdu beaucoup. Plus que ce que l’on veut admettre en tant que peuple. La langue s’affaiblit dans un continuel bilinguisme. Une phrase peut contenir autant de mots français que Innu. Les chasseurs sont peu nombreux, peu adeptes à la transmission. Les jeunes ne veulent plus courir les bois, la paresse a gagné le cœur des hommes ainsi que les crises dû à l’ingestion hebdomadaire de poutine et de Mcdo. L’esprit des gens à changer, s’est perdu, s’est défait petit à petit comme une écharpe de laine quand on tire sur le fil qui dépasse. La laine est devenue un petit tas qui ne se re-tricotera pas d’elle-même.

Vous savez? Je les comprends. Qui voudrait savoir harponner un saumon de nos jours? Le petit gars qui n’a ni canot, ni harpon, ni voiture pour se rendre à la rivière? On va lui demander, à lui, de passer ses jours à apprendre la technique de l’harponnage alors qu’il est incapable de subvenir aux besoins de sa famille et que la seule chose qui l’intéresse ces temps-ci, c’est le jeu en réseaux qu’il réussi si bien après avoir fumé un joint. Ou bien, pourquoi ne pas exiger de la jeune mère de ne parler qu’en Innu à ses quatre enfants, et de consulter son dictionnaire de la langue à toutes les fois où elle ne connaîtra pas la bonne traduction de vaisselle, plancher, piscine?

Peut-être que tout ceci n’est pas une question de culture, mais une question de société. La seule solution que l’on retrouve ces jours-ci face aux maux des réserves c’est le retour aux sources. Mais où sont-elles ces sources? Je ne les vois ni dans ma réserve, ni dans les autres. Je ne vois que la misère et des vieux qui meurent sans n’avoir jamais rien dit de leurs savoirs si précieux. La culture est un privilège pour les mieux nantis. Les autres, ils s'en foutent éperduemment.

Je vous avais prévenus, c’est pessimiste. Parfois, il faut être capable de regarder en face. Plus tard on rêvera.

vendredi 25 juin 2010

À la Sainte-Marie

J’aime la poésie utile. Des mots qui riment, qui m’étonnent, qui s’acheminent tranquillement de ma pensée à mon esprit sensible. Des barrières qui s’effondrent et des phrases indépendantes qui servent des causes beaucoup trop grandes pour n’appartenir qu’aux autres. C’est le cas, lorsque j’écoute Samian (annishnabe et français), son ton rassembleur et sa fierté d’être ce qu’il est. Florent Vollant et son éternel battement de tambour qui rappelle les prouesses d’autrefois, l’immensité d’un pays et les déplacements incessants. J’aime tous les Fred Pellerin, Loco Lacass et Lynda Lemay, parce qu’ils ont choisi les paroles comme armes et ils possèdent en eux une inflexion qui s’appuie sur l’intolérance face à l’ignorance, pire, face à l’indifférence.

Et il y a la Sainte-Marie. Elle me fascine. C’est une femme rouge de la tête aux pieds, bien petite pour une âme de cette ampleur. Dans son dernier spectacle, elle prête la chaleur de sa voix aux innus. L’album Nitshisseniten e tshissenitamin (Je sais que tu sais) est une œuvre qu’elle a écrit avec son amie Bibitte (Joséphine Bacon). C'est de l’entendre prononcer si distinctement les mots et les rimes Innus, les syllabes qui glissent parfois dans la gorge et celles qui résonnent comme le bruit sourd du vent, comme la rivière épaisse qui file, un son creux, un souffle, une bouffée avalée aux accents de Pessamit. Parce que la langue n’est pas simple. Parce qu’elle se perd dans l’assimilation, dans la paresse et dans la modernité. Elle, la Chloé, se tient raide, droite jusqu'au premier accord de guitare. Puis, elle s’amenuise, souffre au-dedans d’elle la douleur des mal-aimés. Je comprends alors, que le mépris n’est pas une question d’ethnie et que la souffrance est quelque chose que l’on peut porter à plusieurs. Il aurait fallu danser, ce soir-là, lorsqu’elle a entonné le célèbre makusham du duo Kashtin, nous, les quelques Innus dans la salle et les Blancs aussi.

Quand aux artistes Innus, ils ont beaucoup de peine à se frayer un chemin dans l’industrie. Peut-être est-ce le folk-country qui ne convient plus, ou bien peut-être est-ce la langue incompréhensible? Peut-être devraient-ils adapter leur musique, à l’instar de Samian qui traduit ses textes en français? Peut-être devraient-ils tous déserter leur réserve pour habiter Montréal, la grande Métropole? Pour l’instant, il n’y a que la radio SOCAM (Société de communication Atikamekw Montagnais) qui les diffuse. Vous pouvez écouter la radio en ligne sur www.socam.net

Pour voir une interprétation de Chloé Sainte-Marie Mishapen Nitissinan, une chanson qui en dit long. Clip

vendredi 11 juin 2010

À quand la prochaine crise d’Oka?

Les Innus de Matimekush-Lac John et de Uashat mak Mani-Utenam refusent de reprendre les négociations avec la compagnie minière Labrador Iron Mines

C’est une histoire trop vieille pour être ravivée, mais cruciale pour des jours comme aujourd’hui. La crise de 1990, celle des Warriors, celle des armes et de l’armée, celle de la barricade, mais surtout et ne l’oublions pas, celle d’un terrain de golf. La ville d’Oka souhaitait agrandir leur terrain de golf, mais la communauté voisine Mohawks de Kanasatake affirme que ces terres leurs appartiennent et qu’elles abritent les vieilles âmes d’un cimetière. Tout a commencé par une marche pacifique des Mohawks dans les rues de Kanasatake et de la ville d’Oka. Et tout s’est très vite déstabilisé pour finalement dégénéré en une véritable guerre froide. Un mort du côté de la police, beaucoup d’arrestations du côté des Warriors et de la haine, de la haine véritable entre voisins. Je relate ceci et vous invite à visionner la dizaine de reportages de Radio-Canada archivés sur leur site web.

Aujourd’hui, les Innus de Matimekush-Lac John et de Uashat mak Mani-Utenam ont cessé toute négociations avec Labrador Iron Mines. La compagnie minière qui cherche à reprendre en main les anciennes installations de l’IOC n’arrive pas à une entente spécifique avec les deux communautés. Dans un communiqué de presse de l’Alliance Stratégique Innue, les 5 communautés membres approuvent et signent conjointement une lettre affirmant l’érection d’une barricade aujourd’hui même, le 11 juin 2010. Ils contestent le fait que les gouvernements et les compagnies privées acceptent de faire des ententes sur leur territoire sans leur consentement.

Ont-ils autre choix? Est-ce un précédant pour une autre crise de la même ampleur que celle d’Oka?

Chaque communauté Innue mène ses propres négociations territoriales. Celle-ci est spécifique au peuple qui habite Ushkututapan meshekenu (le territoire du chemin de fer), au Nord du 50e parallèle. On appelle cette terre ainsi parce que la seule voie d’accès terrestre est le train. Lorsque la mine de fer IOC a fermé ses portes en 1982, les Innus ont choisi de rester au sein même de la forêt. Ils ont élu domicile en terre sauvage et ce n’est par hasard si aujourd’hui ils refusent de la céder aussi facilement.

C’était un terrain de golf et puis c’est une mine de fer, et ailleurs, c’est tout un terrain de chasse que l’on troc pour l’abrasion d’une forêt. Les mohawks de kanasatake, les atikamekws de Manawan, de Wemontaci, les Wendats de Wendake, bientôt les Innus de Uashat, de Matimekush, n’ont plus de territoire de chasse. Ils se piétinent dessus dans leurs minuscules réserves alors que les populations ne cessent de s’accroître. Et puis on s’étonne des barricades, du refus de négocier, de la palpable inflexion des peuples des Premières Nations d'aujourd'hui.

Lien pour communiqué de presse Alliance Stratégique Innue http://www.cnw.ca/fr/releases/archive/June2010/09/c3608.html

mardi 1 juin 2010

Comme par hasard - La marche Amun

On est partis, fiston, mon amoureux et moi, en terre étrangère, pour le plaisir et pour être seuls, ensemble. Nous avons pris la route qui mène à Montréal, avons continué jusqu'à la frontière, bien décidés à la franchir pour rencontrer le peuple Canadiens-anglais. Il faut dire que je n'ai pas voyagé beaucoup dans ma vie. À peine effleuré les Rocheuses et l'île Victoria, New-York et ses environs, pas plus. Toute nouvelle patrie est apte à capter mon attention jusqu'à me faire dormir chez-elle. Arnprior, à une quarante de minutes d'Ottawa, seulement parce que mon hommve préfère la campagne, mais j'accepte, la campagne c'est romantique et puis ça ressemble à chez-moi, ces petits patlins tranquilles dans lesquelles il ne se passe jamais rien de bien grave. Mais ce n'est pas de ça dont je voulais vous parler.

Ottawa, c'est la première fois que je la voie. On marche quelques rues, pour la connaître. Une photo du parlement, comme preuve de visite, le sourire satisfait et bébé qui regarde ailleurs. Comme par hasard, la marche Amun se termine devant nous. Amun signifie Parler, en langue Innu. Un groupe de femmes ont marché de Wendake (Ville de Québec) jusqu'à Ottawa, devant le parlement pour dénoncer la situation des Premières Nations, plus particulièrement de la femme autochtone. 500 kilomètres à pied, pour faire honneur aux ancêtres qui ont si patiemment traversé le pays. 500 kilomètres, comme une certitude, une volonté, un espoir. Nous sommes garés au bon endroit pour les voir terminer leur long portage. La première, celle qui est à la tête du projet nous fait un sourire. Elle porte en elle la victoire de sa bataille, la beauté de sa patience et l'espoir rassembleur d'une femme qui n'a pas eu peur de croire que nous pouvions encore marcher, porter, traverser le pays.

Je les regarde passer, et il y a en moi cette fierté, si rare dans ces temps de misère. Je les regarde jusqu'au tout dernier marcheur, muette tandis que mon amoureux les encourage par des cris. Je voudrais les voir passer par centaines, par milliers. Je voudrais que la marche Amun dure jusqu'à l'autre extrémité du pays, et je voudrais surtout en faire partie.

Ce soir je me contente d'être fière de les avoir admirées, ces femmes qui ont osé croire que ce n'était pas impossible, que ce n'était pas en vain.

mardi 11 mai 2010

Atik, caribou

La situation était historique. Plus d'une centaine d'Innus, issus des quatre coins de la Côte-Nord (serait juste de dire racoin), se sont assemblés à l'hôtel de Fermont pour revendiquer le droit de chasser le caribou en terre du Labrador. Depuis l'interdiction de la chasse au Labrador, car bien sûr l'instinction de l'espèce est un désastre, les Innus cherchent et rôdent en forêt en vain. Le troupeau qui passaient tous les ans sur nos terres, à quelques mètres de Shefferville, prend désormais un autre chemin. Il doit contourner les rivières immenses créées par les barrages. Il doit survivre à un trajet beaucoup plus long, alors que son nombre diminue d'année en année.

Les chasseurs étaient présents, comme ils le sont depuis toujours, de père en fils. Conscients du problème. Conscients de leur survie à eux aussi. Ensembles, ils ont franchit la frontière de la chasse interdite, ils ont installé leurs tentes sur la neige, près de la route. Les chefs se sont réunis le soir dans la plus grande des tentes. Ils ont parlé de choses passées, anciennes, traditionnelles aujourd'hui. Il y avait de très jeunes chasseurs, de très vieux coureurs et quelques femmes pour faire cuire le pain frais de tous les jours, comme une habitude. Ensembles, ils n'étaient plus des récalcitrants, des fouteurs de troubles. Ensembles, ils étaient les guerriers de la race, comme l'ont été nos pères, prêts à se battre pour leur familles. La chasse a été bonne. Plus de deux cent caribous tués, qui furent donnés aux familles dans les villages Innus. On donne toujours priorité aux vieux, ceux qui ont passé l'âge de courir les bois, puis aux femmes seules, et finalement à tous les autres. C'est ainsi qu'on distribue la viande, le saumon, et autres richesses dites naturelles.

Le chasseur est là, il raconte ces choses sans se presser. Il dit, comme une promesse: Nous l'avons là, imprimé dans le sang. Le caribou, nous irons le chercher où il sera.

lundi 3 mai 2010

Classe

Ils sont là, ils m'observent. Attendent que je dise quelque chose. Il y en a un qui est beaucoup plus grand, plus costaud que moi. Il est assis à la première rangée, le bureau le plus à gauche. Une fille aux cheveux longs qui dessine dans son agenda. Une petite avec un foulard rouge sur la tête rit les deux mains devant la bouche. Un autre, derrière, qui fixe le sol.

Ils ne savent pas que je ne sais rien. Que je suis perplexe derrière mon grand sourire et mes mains qui se baladent sur mon bureau bien centré devant eux. On m'avait dit de faire celle qui est au-dessus de ses affaires. De ne jamais montrer ma peur. Mais je n'y arrive pas. Je ris lorsqu'un élève dit une blague un petit peu déplacée. J'installe le silence pour le briser moi-même. Je les écoute me parler de la partie de hockey d'hier. Ils sont si nombreux à vouloir attirer mon attention, que je ne sais plus trop lequel écouter. Je leur réponds en Innu, comme une grande soeur.

Puis tout à coup, ils me parlent de mutilation, de drogues. Ils s'interpellent par des mots affreux comme violeur. Je dis c'est pas bien. Je leur dit d'arrêter. Je confisque des punaises. Ils me demandent pourquoi? Je dis il ne faut pas, c'est tout. Je voudrais être ailleurs. Serrer mon fils très fort dans mes bras et lui dire combien il est précieux.

La cloche sonne. Nous sommes libérés. Eux de leurs chaises. Moi de mon incompétence.

samedi 1 mai 2010

"De la honte à la fierté"

Il y a quelques années, une femme que j'admire a écrit un texte pour un travail universitaire. Elle devait faire un parcours de vie, une sorte de témoignage. Elle a parlé de sa réserve, où sa famille s'était installée, où elle avait grandi timide et réservée. Elle a parlé de ses quatre enfants qu'elle a eu avec son mari avant qu'il décède. Puis de la petite dernière qu'elle a eu avec un amant avant qu'elle décide de déménager à Québec. Elle a parlé de son rêve de fonder une famille nombreuse et de ses difficultés à l'élever une fois mis au monde. Mais surtout, elle a parlé de sa gêne, de sa honte à elle, d'être une indienne. Elle se trouvait ridicule, troublée, inadmissible dans un monde extérieur à son village. Elle avait peur de tout.

Puis, elle a rencontré une femme blanche qui lui parlait de son peuple avec compassion, de sa beauté à elle comme une transparence. Cette confidente voyait en elle une âme plus grande que ce qu'elle-même, petite femme innue ne pouvait imaginer. "La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde". Elle est née de cette amitié, la nouvelle femme, celle que moi je connais, qui parle sans frémir, qui rie beaucoup, qui enseigne à une petite classe de jeunes Innus en difficulté, celle que j'appelle maman.

Elle termine son texte en disant merci, à cette amie qui l'a aimé, qui a cru en elle et qui l'a poussé à passer de la honte à la fierté.

Un simple rappel à moi-même, pour ne jamais oublier que tout peut changer.

jeudi 29 avril 2010

Quatre jours dans la réserve, comme retourner un quart de siècle en-arrière. Rien n'a changé. Les visages croisée au galeries montagnaises, le sable qui s'insère dans les souliers après une courte marche, les enfants sans tuque sur la tête malgré le vent, des filles qui traînent leur poussette d'une maison à l'autre, l'homme assis devant sa maison beige une cigarette à la main comme en attente de quelque chose. Partout où je pose les yeux, la honte. La mienne. Je me suis accoutumée à la vue du fleuve et des lumières de Lévis, assise sur mon balcon, à Québec. Les maisons anciennes qui agrémentent l'avenue Royale, les pelouses tondus beaucoup trop vertes pour être naturelles. J'avais oublié qu'il n'y a pas que les bus qui font du bruit tard la nuit et que tout le monde ne va pas au restaurant le lundi soir, par habitude.

Être si près de son peuple et se sentir si loin de leurs vies.

Il y a des choses que l'on raconte par coeur, comme le son du taueikan en plein jour de grande célébration. Des rumeurs que l'on raconte à son amie, comme la blonde du gars qui le trompe avec n'importe qui. Des choses incroyables que l'on dit à son frère, comme le petit garçonnet qui traverse le boulevard en courant et que l'on observe du rétroviseur en priant pour qu'il coure plus vite. Il y a des choses que l'on chuchote en secret à sa mère, comme le gars trop soûl qui n'a pas cesser de faire des avances à une fille trop jeune pour se défendre. Mais, il y a des choses qui ne se répètent pas, ni en voiture, ni le soir, ni le jour, des choses trop sales, inexprimables, même par des phrases incomplètes.

De mon quatre et demi à Québec, j'ai rêvé sans savoir. J'ai espéré. Que sais-je? Que suis-je? La compassion n'est pas le propre de l'homme. S'humilier jusqu'à fréquenter la misère non plus.

J'ai hâte aux premières chaleurs de mai. La saison du saumon qui nous guidera jusqu'à la rivière. Je veux sentir l'odeur du feu jusqu'à tard dans la nuit, et celui des branches de sapin sous les tentes. Je veux goûter au poisson frais pêché et voir dans le labeur des hommes la grandeur d'un peuple, de mon peuple.

mercredi 21 avril 2010

Colère?

Elle pose la question, celle qui est posée quelques fois par des gens courageux. Elle dit: Pourquoi tu n'es pas en colère? Contre les blancs, le gouvernement, la société, après tout ce qu'ils vous ont fait subir? Non. Elle dit: que nous vous avons fait subir?

Autrefois, j'aurais sans doute détesté les blancs. Leur culture et leur langue me seraient apparues comme un outrage. Autrefois, si l'on aurait clôturée mon village et si l'on m'aurait mise dans un pensionnat dans le but ultime et avoué de me faire devenir blanche, je n'aurais pas compris et sans doute j'aurais détesté. Mon grand-père, l'un des seuls Innus qui a toujours refuser d'envoyer ses enfants au pensionnat, n'aimait pas les blancs. Je suis capable de le comprendre.

Je crois en l'égalité plus qu'en la supériorité. La dignité des gens plus qu'à l'assimilation.

Pour moi, les choses sont différentes. Je crois que ma culture a ses forces, le respect des vieux et de la nature, la proximité des gens qui crée la communauté, l'entraide, la débrouillardise pas seulement en forêt, le sens de l'humour; et ses faiblesses, le rapport avec l'argent plutôt difficile, les familles brisées par l'alcoolisme et l'inceste, le manque d'autonomie, le manque de scolarité.

Que peut-on apprendre des autres peuples?

J'ai répondu à la question en nommant la seule chose qui me met vraiment en colère: les insultes que peuvent prononcer des blancs ignorants face aux Innus parce qu'ils ne sont ni taxables, ni imposables.

samedi 10 avril 2010

Kuei- bonjour

Je cherche une place. Entre la ville et la réserve. La solitude et la communauté. L'ambition et l'essentiel. Les rêves de grandes filles et les devoirs de mères. Je pense à l'espace que peut occuper une mentalité de village dans une si grande ville. Et l'espace qu'occupe ma langue dans ma tête.
Il y a longtemps que je ne pense plus en Innu, que je ne vis plus réservée, que mes amis sont Latinos et Québécois de laine. Pourtant, il ne suffit que d'une blague entendue au hasard des rues St-Jean ou St-Vallier, pour redécouvrir mon appartenance. Une blague d'indien, non-payeur de taxes. Ou bien encore, une envolée d'outardes brune pour me rappeler que la chasse sera bonne, que l'immigration n'est pas qu'une question de frontières et de cartes blanches. Je suis Innue par naissance. Par coeur. Par choix. Je ne porte pas de plumes ni de robes à franges. Je ne suis pas chaude à l'idée de faire un portage en automne. Ce qui résiste, ce qui vit, c'est l'hériatge de mon grand-père, de ma grand-mère, de ceux qui ont porté la culture au bout des doigts en brodant des mocassins à nos enfants. Et c'est moi, et ma langue maternelle aussi souple que le chant du tambour et l'Histoire qui est la nôtre.

Que sait-on des autres, si ce n'est leurs différences? Que voit-on des autres? Doit-on combattre l'ignorance?